De Cluny au Puy : le récit

 

Préface 

 

Vous n’allez pas trouver ici un récit relatant de chacune de nos journées de marche, mais un simple dessin d’enfant aux couleurs de nos émotions, où le crayon n’a jamais été retaillé…

Ce sont des touches particulières, des réflexions, gravées au jour le jour sur mon petit carnet de voyage, et que je n’ai pu inclure dans « le diaporama commenté » (que vous avez, pour la plupart, déjà parcouru).

Vous y vivrez quelques uns de nos rires, de nos instants magiques, mais également un peu de nos doutes, de nos craintes …

Vous y devinerez la profondeur et la beauté de certains silences, mais encore toute la grandeur de l’inattendu à travers certaines rencontres fortes !

 

 

Sabine.

 

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Ami gitan,

toi par qui nous avons évité de mourir de faim, toi qui nous as fait reprendre la route vers un lendemain encore plus lumineux et chargé d’amour, nous n’oublierons jamais ta bonté et ton histoire …

Je te dédie le morceau qui suit !

 

 

(Pensez à éteindre le lecteur du blog sur la colonne de droite)  

 

 

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Epique !

 

 

Instant vraiment épique que cette première journée passée sur le chemin allant de Cluny au Puy-en-Velay, mais que nous avions décidé de prendre à l’envers « Du Puy à Cluny », afin d’arriver en « pèlerins » chez notre amie « évajoe » et d’y découvrir sa vraie maison d’éclusier en Bourgogne….

Ce projet était aussi palpitant que fou mais nous y tenions tant à ce bel et authentique effet de surprise !

Car, prendre un chemin à l’envers signifie suivre son balisage à l’envers ou, lorsqu’il est quasi inexistant,  ne rien suivre et se fier uniquement à la providence, et c’était précisément le cas pour ce tronçon !

Bien sûr, nous ne le savions pas et même …cela n’aurait pas changé grand chose à notre détermination !

Dès les premiers pas,  les « petits pépins » (restons objectifs) s’enchaineront, comme dans une ronde incessante de visages d’enfants tous plus grimaçants les uns que les autres !

Le vieux pont de l »Aiguilhe (le point de départ) tout juste franchi, nous nous rendons compte que nous avons oublié les couverts. Il est dimanche, tout est plus ou moins fermé ! Un homme à qui je m’adresse pour m’informer sur un magasin éventuellement ouvert et qui était entrain de promener son chien, nous amènera jusqu’à chez lui pour nous donner quelques couverts (que nous lui rendrons au retour). Il était réticent au départ mais il avait fait, lui aussi, quelques pas sur le chemin de St Jacques un jour ….

 

Il était un peu plus de 9 heures du matin et il faisait déjà chaud ! 

Nous étions partis tard, enfin trop tard pour nos natures,  habituées à décoller à la fraîcheur de l’aurore, mais il fallait bien prendre le temps de récupérer nos trois créanciales à la Cathédrale du Puy.

Le balisage se montre totalement incohérent dès les premiers kilomètres, il y a des flèches partout aux croisements, et nous nous perdons aux alentours de Tressac, à 5 kilomètres du départ. Alors que nous nous démenions avec notre livre à la main, le tournant dans tous les sens possibles, espérant y déceler un bon signe du destin, deux têtes surgirent d’une palissade nous faisant promptement lever le regard , de leur jardin un couple venait d’entendre nos étranges investigations !

L’homme ne mit pas longtemps à nous rejoindre et il nous conduisit, par un chemin de traverse, vers la bonne direction à prendre …C’est finalement bien d’écouter aux portes, non ?

 

Depuis que nos bâtons s’étaient posés sur le sol, nous ne faisions que grimper, grimper, grimper….A en trouver saugrenue cette idée d’avoir voulu prendre à l’envers une étape « réputée pour ses descentes » !

 

 

 

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A la pause déjeuner, moment délectable que nos pieds attendaient pour s’ébrouer en toute liberté, Lola s’aperçoit n’avoir qu’une semelle orthopédique, et l’autre ? Sûrement laissée sur un coin de chaise de la cuisine d’Odette …! 

Je l’appelle aussitôt, et à partir de là nous élaborerons un plan machiavélique pour récupérer cette semelle, avec multiples intermédiaires et à des heures anormalement matinales, plan que nous abandonnerons très vite dès le lendemain !

Le fait de manger, que j’affectionne plutôt d’ordinaire, réveilla de réelles nausées et je repris le chemin en tournoyant ! J’avais passé la nuit avec une bouillotte sur le ventre et je crus pouvoir donner un nom à ce mal insidieux « gastro » !

Nous reprendrons avec quelques descentes abruptes, où nos corps eurent l’impression de revivre mais, ne nous réjouissons pas trop vite, je ferai deux chutes …(et ce seront bien les premières en quelques …bons milliers de kilomètres anciennement parcourus, il y a un début à tout !)

Bon gré mal gré, nous essayons de tenir le coup sur le restant du parcours et, à quelques kilomètres de l’arrivée, persuadés de tenir le bon bout, nous nous perdons à nouveau et cette fois-ci « royalement » ….

A la sortie d’un village, nous nous étions enfoncés dans une forêt, croyant glisser à pas sereins vers notre nid du soir ….Oh ! combien elle fut bonne cette sensation, je m’en souviens, et combien fut abominable le réveil …je m’en souviens aussi !

Après avoir virevolté en tous sens comme des oiseaux malades, nous posons nos fessiers sur l’herbe, quelque peu découragés, et j’appelle le gîte sensé nous recevoir pour l’avertir de la situation …l’heure impitoyable tourne et nous sommes déjà en fin d’après-midi !

Le propriétaire des lieux nous annonce simplement qu’à partir de 20 heures, plus aucune commande ne sera prise au restaurant …!

Nous repartons, l’instinct de survie aiguisé, bien décidés à déployer à notre tour la plus hideuse de nos grimaces à cette maudite étape !

J’entends au loin un bruit, y aurait-il âme qui vive dans ce désert d’écorce et de feuillage ? C’est une femme sur un tracteur, je cours vers elle à grandes enjambées et sans réfléchir …Ouf, sauvés, elle nous montre le chemin mais comme nous étions encore bien loin de notre destination !

Ce chemin qui semblait nous crier en permanence aux oreilles « Ah ah, vous avez voulu me prendre à rebrousse-poil, alors tant pis pour vous ! »

A environ trois kilomètres de l’arrivée, le balisage nous indique à nouveau un itinéraire fantaisiste ….

Nous repérons des voix vers une terrasse de jardin un peu plus loin, et nous nous y dirigeons tels trois oisillons dans les bras de leur duvet !

Là, des gens d’un abord fort sympathique sont entrain de boire l’apéro
..

Devant nos mines passablement déconfites et nos « bredouillis » verbaux, un homme se lève et nous propose de nous amener ..Encore une première pour nous qui n’avons jamais fini une étape autrement qu’avec nos pieds !

Un peu frustrant certes, mais pas trop le choix dans la situation présente.

Parvenus « enfin » à destination, la simplicité ne sera pas encore au RV

Monsieur le cafetier (le Monsieur si rassurant du tél.) nous tend une grosse clef et nous indique la route pour accéder au gîte, il faut encore marcher (!) et surtout faire vite !

Comme d’autres pèlerins que nous croiserons par la suite (pèlerins juste venus passer la journée), nous ne trouverons pas ce « gîte fantôme »  ! Et, pour cause, il est dissimulé derrière de gigantesques barricades de chantier ….

Démarre alors une course folle contre le temps où chaque minute, chaque seconde même prend de l’importance …Il faudra aller repêcher une bonne âme dans le village, prête à dépasser le simple stade de l’explication pour nous conduire devant le bâtiment !  Bonne âme, sans laquelle, nous ne risquions pas de trouver notre nid ….

Mais, rien n’est encore atteint, et il nous faudra encore grimper, escalader, emjamber….avant de pouvoir tourner cette grottesque clef dans la serrure, prendre une « douche chrono » (quelques bonnes secondes de décrassage) et rejoindre en courant la terrasse du restaurant !

Un seul menu pèlerin sera proposé, faisant honneur au fief mais pas au porte-monnaie du pèlerin :  « des cuisses de grenouille ».

Après avoir fait flotter nos fourchettes dans un vrai bain de graisse, goûté à une sauce sarrasou aigre et à une mélasse à l’eau en guise de fromage blanc, remède radical pour la gastro (!), nous sommes repartis avec la nostalgie de notre bon vieux plat de pâtes, si chaleureux et qui fait toujours si bien l’affaire !!!

 

 

Elle court,

Elle court la vie,

Je la suis 

Car son pas ressemble

A la danse d’un oiseau …

Elle défile défile

Comme dans un beau film de Chaplin,

Avec des grands yeux de clown triste, 

Ou plein de rires sous son chapeau  !

 

Sabine.

 

 

 

 

Et, dans la nuit qui suivit notre toute première journée, nous décidons de prendre le premier train venu nous menant à Cluny !

Nous reprendrions ainsi le chemin à l’endroit, et irions rendre visite à notre amie « évajoe » avant d’entamer notre périple (elle n’habite qu’à une quarantaine de kilomètres de Cluny).

Or, à partir de ce moment-là, tout se déroulera très vite, comme dans un film de magie aux mille rebondissements …

On a changé de rideau et de scène et c’est un parfum d’aubaine qui succède aux déboires de la veille …

Au matin venu, nous nous dirigeons vers la gare où, à notre surprise, il n’y a plus le moindre accueil mais un homme qui attend près des rails et nous informe qu’un train va passer dans quelques huit minutes. Qu’il fut bon d’entendre cela, sur le quai d’un village où les trains ne passent pas toutes les heures et pour trois pèlerins atterris là par simple impulsion !

Malgré plusieurs changements, nous arriverons à Cluny dans la plus délicieuse sérénité comme si un somptueux tapis s’était déroulé sous nos pieds au fur et à mesure de nos pas …

Pas la moindre attente entre deux trains, étions-nous entrain de rêver ?

Et nous avions de surcroît une « fée » pour assurer notre logistique …J’ai bien sûr nommé notre amie « évajoe » qui avait pris soin entre temps, et sans qu’on lui demande quoi que ce soit, de nous réserver un gîte, où nous resterons un bon 24 heures, le temps qu’elle puisse nous recevoir. 

Ce sera l’occasion de flâner dans ce lieu purement idyllique qu’est Cluny !

L’occasion aussi de faire « notre première belle rencontre », au sein même de ce gîte, avec une personne (dont je ne donnerai aucun détail ici par pudeur) mais qui venait de perdre un être cher…

Il n’y a pas de hasard !

Au fil de nos mots, quelques liens se tissèrent vite et elle ressentit le besoin de nous confier toute sa peine. Par rapport à mon vécu, j’ai pu spontanément lui réchauffer le coeur, lui donner un peu de la force et de la foi dont j’avais réussi à m’emplir au fil des jours et des années……..Et qu’il était merveilleux de pouvoir « rendre » cela, et ce n’était que là, à ce moment-là, que j’en ressentais toute l’ampleur ! 

Je la revois encore, juste avant que la voiture de notre amie vienne se garer devant la grille, nous étions étendus sur l’herbe près de nos sacs …Elle fumait une cigarette, l’air complètement abattu, le regard tourné vers sa misère, dont on entendait couler au loin une fontaine de larmes ….

Au moment de quitter les lieux, nous avons couru vers elle pour lui dire « au revoir », soudainement on s’est tutoyé, je l’ai serré très fort dans mes bras et, jusqu’à temps de ne plus nous apercevoir ….nous nous sommes fait voler des bisous de la main à n’en plus finir !

Elle semblait me dire « Reste là, ne t’en vas pas déjà ! »

Si je dois reparler d’elle dans mon récit, ce sera avec ce joli nom  « Tendresse » (ne voulant pas divulguer son prénom).

En regagnant la voiture de nos amis « Alain et évajoe », je savais alors, tout au fond de moi que ….

« Le chemin avait déjà commencé » !

 

 

 

A coeur et à-coup !

 

 

Cluny,

lieu fascinant,

accroché à nos mémoires,

tu as tant pris

de notre existence…

Nous t’adorons !

 

 

 

Tout juste lâchés dans la gorge de ce lieu hors du commun qui va, de sa beauté, nous avaler tout cru, l’heure du déjeuner commence à sonner de toutes parts dans nos ventres affamés …

Toujours par « instinct » (je pense écrire là l’un des seuls mots qui nous guide !), nous nous dirigeons au …. » Bistrot » !

 

 

 

 

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Nous y resterons jusqu’à quatre heures de l’après-midi !

 

A peine attablés, nous nous sentirons chez nous !

Le « Bistrot » c’est non seulement une cuisine familiale et des plus copieuses qui fleure bon le soleil et le terroir, parce qu’elle est conçue (je devrais même dire « méditée ») avec un amour incroyable, mais c’est encore « deux êtres superbes »,  deux potes, qui se donnent corps et âme durant six mois de l’année au développement écologique de l’Inde !

Ils quittent tout, rires en terrasse et senteurs divines qui font leur quotidien, n’emportant que leur passion pour une terre qui les tient par un lien inexplicable, émouvant et viscéralement humain …

Nul besoin de préciser que nos échanges seront purement « divins » , entre leur expérience et la nôtre au Sénégal !

Ils déploieront même en nous des ailes quelque peu repliées ….

 

Mais, avant cela, nous nous étions assis machinalement près d’un couple de personnes âgées, qui se confieront très vite à nous .

Elles avaient été cambriolées depuis peu et durant leur sieste …

Cette troublante aventure semblait les avoir passablement traumatisées. Elles ne possédaient plus aucun papier, tout était à refaire …

Au fil de la conversation, nous en sommes venus à évoquer le « Chemin de Stevenson » et, bien sûr, le village qui fut « notre » grande révélation « St Germain de Calberte » !

A ces seuls mots, nous vîmes briller des larmes d’émotion dans les yeux du grand-père
….

Ce village, perdu en plein coeur des cévennes, était celui de ses aïeux, celui qui avait bercé ses joies et ses souvenirs.

Il y avait une sorte d’envoûtement,  de lueur « sacrée » dans son regard … De celle qui, étrangement, vient à nous habiter face à ce pays où la force du silence, entièrement façonnée de respect et de tolérance, nous transporte vers une poésie, une beauté de sentiment jusqu’à là inédite !

Il suffisait donc de franchir le seuil d’un sympathique bistrot dans une ville inconnue pour partager avec d’autres inconnus le chant d’une source, la silhouette d’un clocher, la fraîcheur d’une pierre …La vie était tout de même incroyable !

 

L’après-midi est déjà bien avancé lorsque nous déciderons de nous « extirper » de ce troquet magique (où nous ne manquerons pas de retourner le soir !).

Nos premiers pas dans Cluny nous ont déjà séduits mais tout reste encore à faire, à découvrir, dans ce lieu enchanteur qui semble être né entre … mystère et romantisme !

 

 

(Vous voulez y flâner vous aussi ? Je vous laisse, pour cela, entre les mains de mon diaporama commenté intitulé « De cluny au Puy » que vous trouverez tout en bas de ma colonne de droite  à « mes livres d’images »… Se munir d’une loupe pour voir le titre, un bug d’OB ! Une fois que vous l’aurez repéré, il vous suffira de cliquer sur l’album, vous obtiendrez alors une mosaïque et, en cliquant sur la 1ère photo, vous accèderez au diapo. à faire défiler vous-même, image par image).

 

 

 

Nous commencerons notre visite par l’illustre « Abbaye  » !

Toute ma vie durant, je m’en souviendrai …

J’étais entrain de régler nos tickets d’entrée lorsque mon portable sonna.

Ma fille aînée « Gwen » était en larmes, effondrée, pire comme …anéantie !

Elle était à l’hôpital de Bordeaux et venait d’avoir les résultats de l’examen cardiologique pratiqué pour notre petit-fils, alors âgé de 5 mois, décelant cinq anomalies dont certaines assez lourdes …

Tout me file alors entre les doigts, et je laisse tomber par-terre tout ce que je venais de déposer sur le guichet, dont mon sac, un stylo, mon carnet de chèques ……….

En l’espace d’un millième de seconde, la vie basculait, et plus rien autour de moi n’avait de sens ni de raison, et ce n’était plus une rivière de sang qui coulait dans mes veines mais une sensation de néant, de vide, me laissant comme inanimée !

 

Il y a une heure à peine, tout avait la saveur d’un paradis et là, en quelques secondes, tout prenait la couleur de l’enfer …………

Aucune possibilité de nous rassurer ne nous sera alors offerte, l’enfant ne peut être entouré que par ses parents, toute autre visite étant interdite, et ma fille souhaite rester seule avec son compagnon !

De notre côté, il ne nous reste plus qu’à …nous accrocher éperdument à l’espoir ………..

 

 

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Oiseau qui vole,

je te confie mes pleurs …

Un autre jour,

Tout à l’heure,

Ou demain,

Tu les déposeras

Entre deux rides

Du courant de ces pierres !

 

 

Faire confiance !

 

Après ces premières journées, j’avais plus que jamais retenu que l’on pouvait comparer la vie à une sorte de « grand manège » où se succèdent dans une même envolée craintes et cris de joie …

Tout ceci je le savais déjà mais le Chemin aime toujours à nous le rappeler un peu plus !

 

 

 

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C’est au coeur de cette campagne profonde, campagne qui se meurt doucement et où nous
n’avons trouvé que très peu ou pas de ravitaillement, qu’existe encore la vraie solidarité …

                  Du moins, nous l’avons rencontrée !

 

Qu’il s’agisse des soeurs de l’accueil Jacquaire de St Jean dont nous avons tiré sur les denrées emportées nombreux jours durant, de la dame du camping d’Azole qui est allée prendre des provisions de son propre frigo, de la simple passante à St Haon Le Châtel qui nous a montré le chemin du gîte et nous a amenés en voiture faire quelques courses, ou de cette autre dame à La Cruzille qui  est venue avec les haricots de sa production et les oeufs de ses poules nous préparer un « repas de roi »….

nous serions sûrement repartis le ventre vide le lendemain dès l’aube !

 

 

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Le temps était déjà très lourd depuis 7 heures du matin !

En milieu d’après-midi, on pouvait entendre vociférer l’orage, nous étions en alerte orange …

Vaches, chevaux et ânes rencontrés criaient aussi et s’agitaient on ne peut mieux

Six grands corbeaux tournoyaient en croassant juste au-dessus de nos têtes, comme prêts à s’y poser, un joli petit écureuil roux fila entre nos jambes sur le bitume pour s’abriter en hâte dans le ventre d’un robuste noisetier …

Toute la vie au dehors était sur ses gardes quand nous atterrîmes là, au « Relais du canal » à Briennon,  modeste petit hôtel aux murs défraîchis où, seuls les grincements de portes et de lits, venaient troubler le silence.

Là encore nous avons failli nous endormir le ventre vide !

C’est le jour de fermeture et aucun repas n’est donc servi …

Devant notre découragement (et sûrement paré d’un grand coeur !) le tenancier nous promet un plat de pâtes, mais à condition d’avoir terminé pour 20 heures tapantes !

 

Nous dînerons dans une chaleureuse ambiance de bistrot, discutant et riant avec les habitués …

La tenancière est un vrai bout-en-train ! La télé marche, des gens partent et reviennent
…Tous franchissent le seuil comme celui de leur propre maison !

Sur une table voisine, il y a également un couvert d’installé, il est pour un pélerin allemand qui vient de faire aujourd’hui ses 75 kilomètres à vélo .

Il est là, avalant son repas sans un mot,  son regard semble communier avec le silence …

Après  son repas, il partira puis reviendra un quart d’heure plus tard commander un autre quart de vin rouge, et s’installera pour regarder la météo à la télé.

Je l’observe du coin de l’oeil….A plusieurs reprises, il se mettra à rire aux anges.
Il a vraiment l’air gentil, je lui trouve même un rien d’attachant, de pathétique !

En repartant, et après avoir discuté avec la tenancière sur les divers aspects de ce tronçon de Compostelle où nombreux pélerins se plaindraient du balisage, des infos erronées, et du manque évident de structures d’accueil et de ravitaillement, j’adresse au pèlerin allemand un « Guten Weg » (Bon chemin) sorti des fonds de tiroir de ma mémoire et à la grande stupéfaction de mes deux acolytes (!)….

Il est content ce pèlerin, à en rougir de bonheur un peu plus !

Il me rappelle tous ces pèlerins que nous avons tant eu l’habitude de côtoyer, qu’un rien emporte, et n’attendant du soir qu’une occasion de plus de tendre son verre et son coeur …!

Que tous ces pèlerins me manquent, mais …Où sont-ils ?

Allons-nous enfin en rencontrer ?

 

Nous n’en avons croisés que le tout premier jour !

C’était à Cenves, chez les soeurs de St Jean, nous étions huit pèlerins à table au dîner, mais ne retrouvions rien de l’ambiance  festive et franchouillarde connue jusqu’à là dans les tronçons précédents …

Trois pèlerins, un couple et leur amie, venus de Strasbourg, parlaient entre eux en allemand avec deux autres pèlerines.

Nous avons, quant à nous, très peu parlé et, les derniers couverts essuyés, nous sommes partis nous coucher.

Le lendemain, il n’y avait toujours pas un seul pèlerin à l’horizon sur le chemin, même ceux rencontrés la veille !

Or, il n’y avait plus de places dans l’ensemble des gîtes et, si l’on ne réservait pas, on pouvait être certain de dormir dehors à moins de posséder une très large bourse …(!)

Aussi, posons-nous la question …

Qui occupait ces gîtes ?

 

 

Dans tous les cas, nous nous sentions seuls !

Nous pour qui, chaque pas vers St Jacques, fit rimer le mot paysage avec les mots visages et partages !

 

Ici, sur ce tronçon, cette poésie n’avait plus cours , ou alors …

 

 

le chemin devait vouloir nous dire autre chose cette fois-ci !

J’avais vraiment hâte de le découvrir car, n’oublions pas …

« On croit que l’on fait le chemin…En réalité, c’est lui qui nous défait . » (Nicolas Bouvier).

 

 

 

Cadeaux du chemin

 

 

Nous en étions à notre second jour de marche, et venions de parcourir une bonne trentaine de kilomètres, et vécu six bonnes heures de pluie …

La forêt avait toujours était omniprésente et l’était encore de la fenêtre de notre petit bungalow. Etendue sur le lit, je rêvais à cette journée passée  …

Sur ce parcours, nous menant de Cenves au camping d’Azole, je me souvenais d’un pin dont l’épais manteau de velours vert nous avait subjugués …Et les multiples noeuds qui parsemaient son tronc formaient d’exquises esquisses !

Il m’évoqua aussitôt un sublime masque papou !

La fatigue, la brume qui commençait à s’abattre, furent autant d’éléments qui me freinèrent pour le prendre en photo.

Alors, je me suis endormie avec cet amer regret, en me disant qu’on ne rencontre pas deux fois la même émotion…

Le lendemain, je suis donc repartie avec, dès mes premiers pas, cette idée profondément ancrée de le retrouver !

La veille, je l’avais appelé « le Roi du carnaval », car il était le plus beau de tous les arbres vêtus de velours vert ! Et je n’avais pas envie de l’appeler autrement aujourd’hui…

A chaque pas, cette rencontre m’occupait l’esprit, m’empêchant par la même occasion de ressasser mes douleurs et les difficultés de l’étape .

Mes yeux furetaient par-ci par-là, et dieu sait s’il y avait de quoi faire au coeur de cet univers exclusivement peuplé de troncs et de feuillages !

Or, je ne le retrouvais pas, du moins pas un aussi resplendissant
….

Et, tout à coup, après bien des kilomètres, il était là…

Il était là au moment où je ne m’y attendais plus, ne regardais plus…

         

avec son petit cœur rouge 

 

(On le distingue mal sur la photo, car j’ai voulu prendre un ensemble, mais le coeur était parfaitement dessiné !).

 

 

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Il était différent du « Roi » rencontré la veille, mais, pour moi, il tombait là tel un véritable cadeau , encore bien plus beau puisqu’il portait …

un coeur !

 

Messager d’amour du chemin ou « de mon petit ange » qui a choisi cet emblème pour me rappeler sa présence !

Alors …je me suis approchée de lui, y ai posé mes deux mains, sa mousse était douce
…Elle me rappelait une autre joue, et …

                  j’ai fait un bisou sur son coeur !

 

Je suis repartie …ivre de bonheur !

 

 

Nous n’avions toujours pas rencontré d’autres pèlerins mais, en chemin, je me suis dit que, si le prix de tous ces kilomètres était celui d’une seule rencontre, celui de l’espérance retrouvée pour « Tendresse » (vous vous souvenez de « Tendresse », dont je vous ai parlé dans mon tout premier chapitre)….Alors

 

mon chemin aura eu tout son sens !

 

 

Un grand moment ….

 

 

Nous étions dans le Forez à « Pommiez » et, détrompez-vous …ça grimpe encore et toujours !

Qu’il fut bon, au loin, d’apercevoir  notre camping où, nous ne le savions bien sûr pas encore …

            Quelque chose d’immense  nous attendait !

 

 

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Nous avions retenu un mobil-home, et elle n’était pas donnée la location, à 50 euros pour la nuit (!) alors que, mais nous ne le saurons que le lendemain, ce camping reçoit des prestations pour les pèlerins dont quelques mobil-home à leur réserver gratuitement (et nous étions dans l’un de ces mobil-home !)

De plus, la veille, l’employée d’accueil du gîte de Saint-Jean-St-Maurice nous avait mis en garde, comme quoi les pèlerins logeant dans ce camping reprenaient souvent la route le lendemain le ventre cruellement vide !

Un snack y était pourtant installé, indiquant des horaires et des jours d’ouverture qui n’étaient absolument pas respectés ….

En dépit également de ce que le guide mentionne « Alimentation sur place », rien n’existe donc mais le responsable du camping, à qui nous en parlerons, ne sembla réellement pas s’en émouvoir !

 

Lorsque nous sommes arrivés, je m’en souviendrai toujours, un vieil homme se tenait assis à l’entrée près de sa caravane. Flairant sûrement notre léger désarroi (ajouté à la fatigue), il nous a aussitôt indiqué le bureau d’accueil qui se trouvait à l’extrêmité du camping. De quoi se perdre en effet lorsqu’on ne connaît pas le lieu et qu’aucune inscription ne permette d’y accéder .

On nous installa près de sa caravane, justement …Etait-ce un hasard s’il fut notre voisin , je ne crois pas au hasard !

Sur le coup, je n’ai pas fait le rapprochement, j’avais déjà oublié cet homme et n’y ai vu qu’une simple famille de bohémiens …

 

Après la rituelle douche (le pèlerin est très organisé), nous sommes descendus au village afin de boire une bonne bière fraîche (rituel qui nous est propre celui-là !) et nous imprégner de la vie  locale. Dans le village, nous repérons un restaurant mais ses tarifs restent bien trop élevés pour notre budget de pèlerins !

Il n’est pas loin de 18 heures et nous attendons avec fièvre que le snack ouvre, selon l’indication du panneau à l’entrée. Or, il n’ouvrira jamais …!

En repartant,  j’entame machinalement la conversation avec les dames d’une caravane, faisant partie de la même famille que notre caravane voisine…Ces dames n’avaient pas mangé le midi, se fiant aux horaires inscrits sur le tableau extérieur du snack !

Elles me conseillent alors de frapper à la porte de ce snack, je les remercie et leur promet de les avertir si une solution s’offrait.

Nous avons longtemps frappé car nous entendions du bruit à l’intérieur , incontestablement des gens étaient là, à l’intérieur, mais se refusaient à ouvrir.

Nous revenons, bredouille et déçus !

Pendant tout ce temps, un homme avait observé chacun de nos va-et-vient, le même qui nous avait indiqué le bureau d’accueil à notre arrivée.

Il vient vers nous, nous conseille le restaurant du village et nous lui expliquons que la table proposée n’est pas du tout dans nos moyens.

Quelques minutes plus tard, ce même « gentil monsieur »  propose de nous faire emmener par son fils à l’Intermarché du coin, situé à environ 4 kilomètres. Nous acceptons avec bonheur !

En chemin, nous parlons, parlons …Et ce fils se livre à quelques confidences, je ne les oublierai jamais !

Il nous explique que son père (le gentil monsieur) est né dans un camp de concentration. Son oncle (le frère du gentil monsieur) y est également né mais mourra, il n’avait alors que 4 ans ……..

Cette histoire me pénètre le corps, le coeur et l’âme de pied en cap !

De retour au camping, nous nous dirigeons vers cet homme, la famille était là aussi …je les aurais embrassés ! Je n’ai toutefois pas osé, par respect, leurs coutumes étaient peut-être toute autres …

L’homme, ou le « gentil monsieur » (comme vous voulez), devinant mon regain d’affection, me dit alors ceci « Si je vous ai fait plaisir, alors …ça me rend heureux ! »

En écrivant ces mots, l’émotion borde mes cils ………

De retour dans notre mobil-home, Patrick mon compagnon me dit « Tu sais, il y a peut-être, parfois, un retour de médaille  » et il m’expliqua avoir aidé durant l’hiver un homme en panne de gasoil avec sa voiture. Il était allé lui chercher son carburant, cet homme était un gitan
………

Peut-être, pensais-je rêveusement, peut-être …!

Et me revint tout à coup en mémoire mon poème, écrit suite à des évènements déchirants ayant touché un grand nombre de gitans , ce poème « Sur le chemin d’Anne » je vous laisse le redécouvrir ou « découvrir » (pour ceux et celles qui ne l’ont pas encore lu).

 

Notre soirée sera euphorique, peuplée de réflexions, de maintes remises en question, et d’infiniment d’émotion …Tout cela ne s’appelle-t-il pas,  plus simplement , la …

« tolérance » !

 

 

Le lendemain matin, je ressentis le besoin « viscéral » de laisser un petit mot à cette famille magnifique…

Dans le silence encore chaud des sommeils, fièrement harnachés à nos bâtons, prêts à partir pour une nouvelle aventure, je déposai donc sur leur table, que j’avais pris soin de bien nettoyer de la fraîcheur matinale, mon petit écrit.

Au même instant (je confirme qu’il n’y a pas de hasard !) une vieille dame au teint buriné et aux longs cheveux blancs, sûrement la compagne du « gentil monsieur », sortit de la caravane, encore en chemise de nuit, avec un seau à la main …

Et je ne sais plus de qui, d’elle ou de moi, naquit l’envie de faire voler un bisou de la main, mais ………………..nous l’avons bel et bien fait chacune en même temps …

Nous pouvions partir,

 nous savions alors que quelque chose de profondément beau, doux et inoubliable venait de se graver en nous !

 

Oh, que cet instant fut grand  ….!

 

 

Une belle rencontre !

 

 

Je fus la première à entrer avec lui dans la jolie salle d’exposition du Prieuré de Montverdun, qui était aussi notre gîte ; un lieu où, entre chaque pierre, règne un parfum fantasmagorique ….Il y fait froid également, nombreux pèlerins le notèrent d’ailleurs sur le livre d’Or.

« lui », mais ….Qui est-il ?

Je ne possède pas grand-chose pour vous le présenter, une carte de visite, un site, mais le peu que je possède « en moi » vaut déjà … » une poignée d’or » !

 

 

 

Gilles

 

 

Son site

 

 

La cour du Prieuré est tout en galets, il bataillait donc quelque peu avec son fauteuil mais, en le voyant faire, je me disais que…

« nous étions tous pèlerins au fond de nous, capables de cheminer avec conviction au plus loin de nos échos intérieurs ! »

 

 

Ce jour-là, le Prieuré logeait également les musiciens du concert de « Jazz manouche » qui allait avoir lieu en soirée, au Château de Goutelas.

Ce même château organise chaque année un somptueux spectacle en mémoire d’un avocat défenseur de la cause des gitans .

Décidément, entre la splendide rencontre faite la veille avec notre famille gitane et ce nouveau RV musical, nous nagions en plein souffle nomade !

Car, pour notre fille Lola, en pleine phase « d’engouement musical », il devenait parfaitement impensable de rater ce concert !

Or, par quel moyen s’y rendre, lorsqu’on est un simple pèlerin ne possédant que simples bâtons de marche et sac à dos …

 

La vraie passion ne connaît pas d’obstacles !!!

 

Pendant que, entre deux fantômes errants, nous nous délections d’un petit somme, Lola, que l’exaltation emportait sur la fatigue,  était partie chercher une éventuelle possibilité au sein même des murs du Prieuré …

D’instinct, elle se dirigea dans la salle d’exposition, que je lui avais vivement conseillé d’aller voir !

Son aisance à communiquer l’amena à discuter longuement avec Gill, et quelques uns de ses amis, dont Paolo  son ami marqueteur.

Au bout d’un certain temps, ne la voyant plus dans notre chambre, nous allons à sa rencontre et, là, nous la voyons en salle d’expo entrain d’agréablement conférer au sein d’un groupe d’adultes…

Elle nous accueille, la mine sublimement réjouie, avec ces mots lancés comme une floppée de ballons colorés dans un ciel « Gill nous amène au concert ce soir ! »

 

Il nous embarquera donc « nous et nos trois plateaux repas déjà commandés »,  jusqu’à chez lui, en compagnie de ses amis !

 

Je laisserai « sciemment » mon appareil photo dans sa voiture ..

Pour moi, il était en effet entrain de nous offrir un « grand bout de lui » et ce quartier de vie était tellement précieux que j’aurais eu l’impression  de déballer ce cadeau à la hâte, vulgairement, et sans respect, en inscrivant quoi que ce soit sur pellicule ! (Le soir, au concert, il me dira que j’avais eu tord !)

Pendant que Gill se rend chez lui à l’étage supérieur, Paolo nous fait visiter son atelier en bas…

En y entrant, je ne verrai que ce séquoïa de 6 mètres de haut environ et de 2 mètres de circonférence avec, juste posée à côté, une sculpture prise dans ce bois de plus de 1m50 de haut …!

Je vois encore ce fauteuil roulant à verrin, j’imagine la force que ce métier impose déjà …!

Son ami, Paolo, qui expose avec Gill en marqueterie, nous parle de ce sculpteur, de sa passion dévorante, de son courage, de ses difficultés aussi, et des « mercredis croissants »  où il offre le café et initie à la sculpture …!

Nous mangerons tous ensemble puis partirons au concert…

Ce fut fabuleux, tous ces jeunes, étincelants de joie de vivre et venus jouer des quatre coins du monde !

 

 

(Vous pouvez toujours visionner tout cela sur mon diaporama commenté)

 

 

A trois heures du matin, nos paupières commençant à disparaître sur un rêve d’oreiller, nous serons obligés de demander à Gill de nous ramener au Prieuré ….

L’étape du lendemain était courte, dieu soit loué !

 

 

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Qu’elle était conviviale cette « taverne St Hubert » où nous étions entrain de refaire le monde, et où ces quelques paroles de la Chanson de Fugain sont venues gaiement sautiller dans ma mémoire ….

 

« On laisse tous un jour, un peu de notre vie, sur une table, dans le fond d’un café, sur une table …

que l’on oublie jamais « 

 

Et nous ne sommes pas là de l’oublier cette table de bistrot, à Montbrison…

Nous étions déjà au soir de l’étape suivante, attablés dans ce simple troquet, imaginant au dehors la fête foraine sous la pluie et …

nous parlions, nous parlions encore !

Nous parlions des rencontres auxquelles nous nous attendions sur le chemin et qui firent place à d’autres, totalement inattendues …

Et je ressentis le besoin de parler à Gill, je ressortis sa carte et lui téléphona longtemps longtemps sur son répondeur, lui laissant un interminable message !

Tout en mangeant, nous continuions de parler, de ce « gentil monsieur » gitan, de sa famille, et de Gill encore …Lola nous dit au passage avoir remarqué que son fauteuil était décoré …!

Qu’ils étaient tous entrain de nous manquer,  effroyablement !!!

Et qu’il fut finalement beau ce chemin qu’on croyait jusqu’à là banal comparé aux autres déjà parcourus …

J’écris alors sur ma moleskine ceci :

 

 » Je repense à ces rencontres et j’ai envie de les raconter au monde entier, j’ai envie de pleurer tant je suis heureuse ,

c’est fort, c’est beau, c’est grandiose ! »

 

 

 

 

 

 

Les doutes, les craintes …

 

 

 

Cet après-midi-là, la petite épicerie de St Jean Soleymieux avait décidé de fermer, nous n’étions cependant pas mercredi, son jour habituel de fermeture ?

Nous étions mardi et nos ventres faisaient bien la distinction !

Le village entier semblait résolument barricadé derrière les volets de l’indifférence, celle pour le pèlerin …

Ses habitants étaient-ils réellement conscients que des pèlerins, venant des quatre coins de la planète, empruntaient un jour leurs modestes trottoirs ?

Nous repérons sur notre livre un gîte d’étape et équestre au lieu dit « La Cruzille », la nuitée y est un peu chère, et rien n’est indiqué pour les repas, nous verrons bien ….

Pas facile à trouver chez « Faynou Cygne » (joli, non ?).

Après avoir bien tourné en rond, nous demandons le chemin à deux gendarmes qui se trouvaient là. Ils nous racontent alors des tas de choses désagréables concernant ce gîte …Avions-nous vraiment besoin de savoir tout cela ? Et le secret professionnel messieurs les gendarmes
?

Ils nous feront toutefois repartir avec quelques craintes au fond de nous qui s’avèreront totalement « inutiles » par la suite !

        

 

 

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L’accueil téléphonique avait été pourtant rassurant, dès lors que nous avions expliqué nos situations de pèlerins « fatigués, affamés et ne voulant plus mettre des prix exorbitants ! » (le gîte étant classé « gîte de France »).

Nous nous sommes installés, douchés, détendus (la routine du pèlerin) en attendant la venue de la dame avec qui je m’étais donc entretenue au tél.

Quand elle arriva, batterie de cuisine et provisions dans les bras, nous avons de suite senti en elle une belle âme de campagnarde !

Elle nous parla de son métier d’éleveur de chevaux, tout en nous cuisinant les haricots de leur production, des côtelettes et une omelette savamment baveuse faite avec les oeufs de leurs poules .

Nous n’en demandions pas tant (un simple bon plat de pâtes aurait suffi) et, de notre vie, nous n’avions jamais mangé d’haricots aussi succulents !

Et elle nous fit tout cela à …un prix pèlerin !!!

 

(Reconsidérez vos dires, chers messieurs les gendarmes, avant de « foutre la trouille » aux gens et d’en dénigrer d’autres qui ne le méritent sans doute pas !).

 

 

Peu après être arrivée au gîte, mon ventre s’était mis à se tordre en deux de douleur.
Patrick alla chercher du spasfon à la pharmacie mais le soulagement fut bien faible, et j’ai gardé toute la nuit une bouillotte improvisée sur le ventre, écoutant la complainte du vent entre les volets, à tout point identique au braiement d’un âne … !

 

 

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Il est 4h30 du matin, je remets une deuxième bouillotte, je ne dors
pas et …j’écris ceci :

 

 

 

« Je me dis que ce chemin aurait dû s’arrêter à cette soirée magique passée avec Gill et ses amis

Plus que 3 jours , 3 étapes …

Allions-nous les passer encore dans cette plus extrême solitude, devenant parfois pesante, triste, glaciale !

J’inscris ces mots cette nuit…

Qu’inscrirai-je demain ?

Peut-être …

la joie, l’ivresse ?  « 

 

 

 

Cet instant à la chapelle …!

 

 

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Nous n’en étions qu’à notre tout premier jour de marche …

Arrivés à Cenves, nous fûmes hébergés par l’accueil jacquaire des soeurs de St Jean, un lieu sans artifice où ne brille que le « sourire du coeur » !

Un peu avant le repas du soir, nous nous sommes rendus à la chapelle attenante au gîte
…je m’en souviens encore, comme si je venais de tout vivre à l’instant, j’ai encore en mémoire les odeurs, les bruits, et tout le dénuement !

Les lignes du décor étaient pures, les soeurs priaient à même le sol

Des petites fenêtres et de la lucarne s’irradiaient de douces courbes bleues et jaunes, telles des touches magiques dessinées par le silence, et le bois du lieu sentait le miel à nous en rendre ivres !

On entendait, dehors, les larmes de l’orage se déversaient comme une libération, et le bêlement des chèvres n’avait rien d’effronté, bien au contraire …Il semblait vouloir entrer en amitié avec l’âme de ce lieu de prière !

 

 

Au royaume des sens …

 

Le moindre détail sur le chemin se grave, se façonne, s’hypnotise même en nous …

Tel l’animal, nous nous souvenons physiquement, sensuellement de tout
….

Et c’est ainsi que je me souviens de mes premières bonnes siestes…j’en porte encore la chaleur duveteuse tout autour de moi et dans mon corps !

A Negreira, sur le chemin qui mène de Santiago à Finisterra, je me souviens de cette impression de mourir et des battements de coeur étranges dans ma poitrine…Il en va souvent ainsi lors d’un surpassement physique totalement inconscient ! Puis, au réveil, il y eut cette vue par la fenêtre …celle  d’un petit bout de chou d’environ  5 ans fanant dans le champ avec sa famille réunie sur bien quatre générations, ce tableau était des plus magnifiques !

Que j’aimais les siestes en Espagne, bercée par le froissement des sacs plastiques que remuaient les pèlerins en rangeant ou déballant leurs affaires….

Ou mes yeux plongés, juste avant de se fermer, dans les noeuds d’un bois ou les veines d’une pierre …je me souviens parfaitement où, et n’ai rien oublié de la saveur délectable de ces sensations !

 

 

Que ce soit la brume mouillant notre peau,

ou la silhouette d’un enfant dansant sur un trottoir,

nous nous souvenons de tout,

et devenons les « pèlerins oiseaux »

absorbant chaque miette de l’univers !

 

 

 

Ces bouts d’humanité …

 

 

 

Patrick (mon compagnon) songeait en marchant aux enfants d’autrefois jouant aux billes devant les maisons, à toutes ces ribambelles heureuses que nous ne voyons plus ….

De tous les villages que nous avons traversés, en effet, et alors que nous nous trouvons en pleine période de vacances, nous ne voyons pas d’enfants ….!

 

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A Apinac (trois haltes avant le Puy), nous avions été séduits par l’extrême convivialité du lieu !

Arrivés en véritables stalactites, tout dégoulinants de pluie, le responsable du Centre Permanent nous avait logé au rez-de-chaussée de sa jolie maison en bois. Le soir, nos couverts étaient mis dans les cuisines du centre , derrière lesquelles on entendait le brouhaha des colos, nous mettant un peu plus de joie de vivre dans le coeur !

Dehors, c’était l’hiver en plein mois de juillet …

Dans le p’tit troquet  du village, où nous irons tout d’abord déguster une bière, la dame nous fera goûter à son « quatre quart maison » et, à l’intérieur, ça riait et discutait fort….

En allant nous ravitailler pour le lendemain,  l’atmosphère simple et familiale de l’épicerie nous donnera envie de discuter avec son épicier qui nous dit ne plus pouvoir faire face aux grandes surfaces, une deuxième venant de s’installer tout près  !

J’y pense à ce jour et prie pour que cette épicerie reste en vie …

Où irons-nous ensuite pour cueillir un peu de chaleur ?

               

                      

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Au p’tit troquet d’Apinac

 

 

Récolter des p’tits bouts d’humanité,

et les emporter avec nous en y mêlant

notre compassion,

nos espoirs,

et notre conscience !

 

 

 

Emotion …

 

 

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 A Montbrison, alors que nous tournions relativement sur nous-même pour retrouver le point de départ, (ou de « redépart »), un jeune garçon nous appela et nous rattrapa vivement avec ce cri enthousiaste  » Vous faites St Jacques ….? « 

Il nous dit avoir marché aussi, mais, au bout d’un court instant, je m’aperçois que ses propos sont insensés, il pose souvent ses mains sur le front pour réfléchir, elles tremblent terriblement …

Alors, aussitôt, je t’ai revu « mon ange », à tes derniers instants sur terre

Il est gentil aussi,  il veut nous amener dans un beau salon de thé

Il repart …

Je le regarde partir …

Il porte à peu près les mêmes baskets, le même genre de tee-shirt, et doit avoir sensiblement ton âge …

Il a surtout cette démarche,  cette attitude que tu avais, ravagée par les médicaments…et, en marchant,

 

des larmes me
coulent sur le visage …………….

 

 

mais je sais aussi que cet instant est un joli clin d’oeil, une façon à toi de glisser tout contre mon coeur ces mots  » Maman, je suis là et marche à vos côtés ! « 

 

 

 

Danser la vie …

 

 

Que ce mot « rien » devient vivant, sur le chemin, et il abonde comme les guirlandes de rosée sur les rires du matin…

Et plus il est petit, plus il a sa place !

On appelle cela les ………. »tout petits rien » ,  

détonateurs des délires et des extases, sur ce chemin où un rien émerveille, un rien fait naître un fou rire dans un souffle de plaisir interminable !

Le rien devient un festin dont la vie se nourrit en enfant gourmand de tout

 

Tombés amoureux de ces rien, nous avons été les proies d’innombrables délires mais le
plus gigantesque fut, sans nul doute, celui du 14 juillet, à St Jean-St-Maurice où la journée avait déjà bien commencé avec une certaine poutre …

Elle se termina dans l’euphorie la plus complète et magistrale !

 

 

Je vous laisse découvrir ces instants magiques sur le même diaporama commenté….

 

 

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Déambulant en simples sandales sous la rage d’une pluie d’hiver et le regard décontenancé des passants, ou rampant à contresens sur une balustrade et sous l’oeil affolé d’un chat à sa fenêtre …

 

 

Qu’il est bon

de traîner en vagabonds

avec des cascades de rires plein les yeux

et le coeur parsemé de bouquets d’étoiles…!  

 

 

———–

 

 

Pour découvrir mes autres récits de Compostelle, du Puy à Fisterra,  prendre tout d’abord …

    

       ce chemin       (1er récit)

         

     puis
celui-ci     (2ème récit)

 

 

 

  pour aller jusqu’à   celui-là 

 

      puis encore    celui-ci

 

      et enfin     celui-là   !            (3ème récit) 

 

 

 

 

Vous trouverez également les diaporamas commentés 

 » De Condom Burgos »

et

« De Burgos à Fisterra »

 

 

( toujours sur la colonne de droite de mon blog à « Mes livres d’images » où ils seront les deux premiers, avec titre bien visible cette fois, vous pourrez ranger la loupe !).

 

 

15 réflexions sur « De Cluny au Puy : le récit »

  1. Bonsoir chère Sabine , je m’éloigne tout doucement des communautés d’OB qui me prenaient beaucoup de temps , et en profite maintenant pour publier sur ekla , les photos qui dormaient dans mes
    tiroirs .

    Je sais que ce site m’a valu pas mal de remarques , non pour ce que je présente , mais pour son fonctionnement .

    Quant à moi , il me convient parfaitement .

    Tout ce qui est nouveau n’est pas nécessairement mauvais.

    Je te remercie infiniment pour ton amitié , et viendrai , petit à petit , marcher sur ton chemin.

    Je te souhaite de très bonnes vacances et beaucoup de repos !

    Très très gros bisous ma chère Sabine .

    Francine .

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  2. Bonsoir Sabine,

    J’ai pris le temps de tout lire et de bien m’imprégner de toutes les émotions, de tout ce partage..Il y a bcp de choses à dire, tellement les descriptions sont vivantes..( mais ne t’inquiète pas,
    je vais être brève ;-)) )

    Moi non plus, je ne crois pas au hasard; je crois aux rencontres, aux instants magiques qui arrivent toujours au moment où on s’y attend le moins..chaque rencontre, chaque moment heureux et aussi
    malheureusement, chaque épreuve a une signification…

    Le lâcher-prise est une clé que peu possède et, pour causes, on vit dans un monde où la pression ( économique , financière..) est telle que la peur prédomine..mais tout s’apprend et tout se
    teste, sur les chemins de Compostelle ou d’ailleurs..;-)

    Tu es du Nord, alors oui, les photos des canaux sont typiques de la région des polders du Nord…région trop méconnue..tout à fait différente du Sud mais qui possède son charme..

    A bientôt…je reviendrai approfondir la visite ..;-))

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  3. Je me suis laissé emporter par le flot de tes mots , comme si j’y étais

    Je t’avoue ,Sabine , que j’aurai aimé marcher à tes côtés, sans doute à cause de mes gênes de randonneur

    merci pour ce bel article

    Je profite de la pause du weekend dans mes séances de rééducations pour te  venir lire et rattraper mon retard

    Bonne fête du 14 juillet

    Douce journée 

    Bisous,BISOUS

    timilo 

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  4. Chère Sabine

    il y a un bon moment que je suis sur ton blog à courir avec toi sur tes chemins de pierres (heureusement j’ai mis mes baskets) à rire de ton espiéglerie , à écouter la musique de ta voix me
    raconter toutes ces anecdotes.

     

    Maintenant je vais aller me restaurer (rires)

     

    bisous et que les petits coeurs parsèment ton chemin de Vie

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  5. J’ai tout lu, tout vu et…j’ai le sac à dos qui me démange!!! :p

    Merci pour ce merveilleux partage, ton chemin semé d’embuches et de joies au moins aussi grandes! J’adore!

    Mon personnage préféré…Silicate! hihi

    Gros bisous ma ptite Sabine!

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  6. En effet, tu nous a laissé de lecture et des images !! Pas de quoi s’ennuyer car c’est captivant et très émouvant… Bien sûr, quand on est dans cette situation d’errance, on est à la fois
    totalement ouvert aux autres, disponible à tout ce qui passe, mais aussi rayonnant du bonheur que l’on a à se dépasser et à vivre ainsi avec la nature… Ce qui forcément n’attire que de belles
    expériences, dont on se souvient même si d’ailleurs elles sont plus dures. Cela renforce les liens du coeur, c’est vraiment un cheminement fondamental vers la vérité intérieure. N’est-ce pas
    aussi ce que faisaient les moines mendiants en Inde ou au Tibet ?

    Bises, Sabine, ainsi qu’à Patrick et à Lola.

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  7. J’ai mis plein de commentaires sous tes photos (jusqu’à la 100 ème à peu près), mais apparemment ils ne passent pas tous ; par contre si je les retape, ils apparaissent 2 fois ! Alors…
    peut-être apparaîtront-ils après ?… Je reviendrai, j’ai pas fini… Bises !

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  8. Bonjour ma très chère Sabine,

    Actuellement tu dois être en vacances et pendant ce temps, je passe te relire encore et encore, pour mon plus grand plaisir.

    Ton récit (pas de tout repos quand même !) est tellement attachant !

    Et puis cette mauvaise nouvelle en plein milieu du périple concernant ton petit-fils, quel coup à ce moment-là, tu m’étonnes que tu aies eu si mal au ventre par la suite !

    J’ai constaté également que les pélerins n’étaient pas si bien considéré que cela, puisque l’intendance ne suit pas forcément pour eux. Quand on marche comme ça, il faut pouvoir trouver
    rapidement où dormir et manger pourtant.

    J’espère que tu te reposes et que tu profites de ta famille.

    Je te dis à très bientôt et je t’embrasse chaleureusement.

     

     

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  9. Un petit coucou de Nanie qui vient de passer un long moment à te lire c’est un régal et un périple très émouvant et captivant ! du vécu pour sur ! rire !! et comme tu le dis si bien il n’y a pas
    de hasard malgré la faim le froid la pluie et les bougons vous marchez avec une force extraordinaire vers votre destinée et accompagné par celui que vous aimé……c’est beau et admirable !

    de gros bisous à vous tous, pèlerins de mon coeur !

    bonnes et belles vacances à vous tous

    Nanie

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  10. J’ai lu et lu et je n’ai pas vu le temps passé, je me suis laissée interpeller par ceux que tu as rencontré. Je les connais au travers de ton écrit.

    Comme c’est fort, émouvant . Je suis captivée par ce récit. Un régal même si j’en connaissais les grandes lignes. Je ne me lasse pas de lire et relire le passage avec cette famille de gitans.
    C’est extraordinaire.

    J’en suis bouleversée mais comme j’ai aimé.

    AIMEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE!!!

     

    Enormes bisous je suis en vacances mais je pars que lundi au Pays des bulles.

     

    Hi hi

     

    Ta soeurette des mots

     

    EvaJoe

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  11. Bonjour SABINE , une longue ,longue route ….Un carnet de voyage …On devrait noter les choses pour les redécouvrir plus tard . J’ai tout brûlé les journaux intimes de plusieurs années
    ,des piles de cahier,non sans chagrin.Mais alors ,je n’avais rien où les mettre ,je ne voulais pas qu’ils soient lus,ou seulement après ma mort .Je ne tenais plus trop à la vie ,chemin d’embûches
    ,de déceptions ,d’enfance ,d’adolescence brisée et d’avenir aucun .

    J’ai aimé cette musique gitane.Tu sais que j’aime tout cela.  Oui ,les rencontres sont des instants comme des flammes qui embrasent le coeur,des feux qui réchauffent .

    Je ne savais pas que tu avais rencontré EvaJoe pour de vrai. C’est beau de se connaître par-delà l’écran ,parfois ,pas toujours ,mais j’ai quelques souvenirs magnifiques
    .Pourquoi…faut-il que cela ne puisse durer ?…La vie sépare ou réunit ceux qui s’aiment .Pourquoi ?

    J’avais commencé à venir ,décidée à poursuivre ,ce que je n’avais pas fait .Je grossis l’écran pour lire .Là ,ton texte étant bien contrasté ,j’ai mieux réussi ,avec moins de brouillard
    dans les yeux ,sinon ,celui de l(émotion ;il y tant d’émotion qui vivbre dans tes mots ,toujours ,chère Sabine ,tu es comme la corde d’un violon …

                                                        
    Je t’embrasse ,toute ma tendresse amicale ici

    J’aime

  12. Que d’aventures,  Sabine, je n’ai pas pu tout lire, et donc je reviendrai, je reste fatiguée mais j’ai aimé ton récit, et toutes ces péripéties, et je pense que tu donneras des noubrlles de
    ton petit fils…  et que àa ira pour vous tous… @ +++et gros gros bisous Sébine

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