Home-âge …(Lettre à un ancêtre et son petit )

 

Du préau, je vis resplendir une montagne étoilée de naines rouges …

Mes pas, secoués à la fois par mon impatience et leur fragilité de l’instant, cahotèrent vers elle, à la rencontre d’un spectacle des plus attendrissants !

 

Oh, mon beau, mon sublime vieillard, où as-tu trouvé la force, le génie, de faire pousser sur tes ailes autant de fruits, me suis-je dit en te contemplant, émue !

 

Une romance passa …

« J’aimerais toujours le tant des cerises … »

Ah ce fringant bonheur

de laisser venir le corbeau,

pour le simple plaisir

d’entendre ensuite

la révolte douce

de son chant d’amour,

en quittant ta demeure !

Goethe disait « Ce sont les enfants et les oiseaux qu’il faut interroger sur le goût des cerises et des fraises … »

 

Si rarissimes furent les instants où je suis venue t’enserrer de mes bras,  par crainte d’étouffer l’orbe de violettes sacrées qui respire à tes pieds …

Mais hier, je le fis, pour te remercier, ma joue contre ton coeur, mon ventre contre le tien !

 

Il me semblait lire sur ton visage ces mots :

« J’ai atteint l’apogée des possibles,  afin de vous offrir le meilleur de moi-même,  faisant perler sur mon front toutes les sueurs des saisons … »

 

Et tes racines se sont mises à filer dans mes veines !

 

 

 

 

 

Quelques jours plus tard,

du préau je vis

une paroi de la montagne joncher le sol …

 

Une hache invisible était venue te fendre en deux !

Et te voici, le temps d’un cri, épluché à demi de ta substance …

Que t’aura-t-elle laissé ? Le yin ou bien le yang, l’ombreux grimoire ou le conte merveilleux ?

 

J’entends, moi, ton rire sous chaque fruit,

et sur tes lèvres

la fulgurance de ton sourire

ressemble, en personne, au soleil momifié !

 

 

 

 

 

Le végétal et l’animal sont  liés par un pacte du coeur …

Et notre « Cannelle » pleure,

comme elle a toujours pleuré la dépouille des arbres !

 

 

 

 

 

Saurons-nous te soigner ?

Où trouver cette béquille invincible qui portera ton âge, les colères du vent et nos défaillances aussi ?

La poignée de cendres de notre ange, déposée au couchant, désormais n’aura plus d’abri !

 

Hôtes éperdus,

nous venions sous ton feuillage

manger la chair de ta sagesse

et boire tes ivresses,

le vin doux

de tous les extrêmes du jour …

Dans le chamois de ton écorce,

tu as enveloppé nos maux,

et nous puisions toutes les réponses

dans l’arôme de ton souffle …

 

Mais l’espoir d’un renouveau enterre toute amertume …

Tout vit encore,  j’en suis sûre, sur ta rambarde frêle,

les mains du printemps me l’ont dit !

Par toi et avec toi,

nous continuerons à fêter l’hanami,

et ta fleur parfumera encore 

le thé de mes vallées imaginaires

à chacun de tes mariages avec le ciel ….

Car un autre petit être,

à tes côtés,

est venu naître,

généreuse magie du destin !

 

 

 

 

 

Lointain petit-fils 

d’une lignée infinie, 

si le temps sait écouter ta complainte d’enfant,

et il l’écoutera,

tu pourras venir entourer de ton talent

 l’épaule de ton ancêtre,

digne mais meurtrie …

En elle alors

tu hériteras,

confiant et grandi,

de l’âme prestigieuse des samouraïs !

 

(Sabine)

A notre arbre à paroles !

 

 

 

30 réflexions sur « Home-âge …(Lettre à un ancêtre et son petit ) »

  1. Touchant témoignage émouvant.
    J’ai entendu une histoire un jour et je ne sais si elle est vraie :
    dans les forêts naturelles, les arbres âgés « élèvent » les jeunes arbres, les guident, les conseillent, par les racines, les feuilles, les arômes. Et si l’on coupe comme nous faisons dans les forêts entretenues, les arbres sont moins beaux, moins résistants.
    Les Aborigènes d’Australie ont compris bien de choses grâce à leurs observations. Les autres civilisations ont perdu beaucoup de savoir.
    Douce et longue vie à l’enfant arbre.
    Bonne journée et gros bisous à tous.

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  2. Comme c’est BEAU et TOUCHANT tout à la fois, Sabine que ces mots de ton ressenti face cet arbre et tout ce qu’il signifie pout toi, pour vous !!!
    Douce poursuite de ce jour,
    Bisous♥

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  3. Une belle histoire que tu nous contes avec tes mots féériques… Oui, ils sont si proches de nous, peut-être plus proches encore que certains humains, parce que si paisibles, si confiants quoi qu’il arrive… Ils nous parlent bien sûr et si nous savons les entendre – comme le font certains animaux en effet – quel enrichissement nous pouvons en tirer ! Merci pour ce poème d’amour et de gratitude.

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  4. J’aime tes mots Sabine, tu le sais !
    Très émue à la lecture de ce billet, d’autant plus émue que j’ai travaillé au jour d’hui, pour demain mât-teint « la vie secrète des arbres » de Paul Wohlleben, forestier allemand qui a publié en début d’année un livre passionnant sur les arbres qui sont « des humains comme les autres » qui aiment vivre ensemble, s’épanouir, s’entraider,… qui parlent, se parlent… où les arbres-adultes aident leurs petits, « généreuse magie du destin, par une action éducative, à leur apprendre la vie, qui peut être en forêt, et leur permettent de grandir et vivre âgés, très âgés…
    Je ressens ici ta sensibilité pour ton  » arbre à paroles » qui porte en lui tant de souvenirs !
    Merci à toi, chère Sabine, pour tout l’amour que je lis ici, rempli de reconnaissance !
    bonne soirée.
    Bisous.
    Den

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  5. Je reste sans voix devant tes écrits!Je n’ai jamais su « écrire mais je vis la nature …dans mon corps et mon coeur!Dés le matin je la hume.Chez nous les cerises ne sont pas encore colorées.
    Bisous

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  6. Le poids des ans qui rident profondément, le poids des richesses données chaque printemps avec plus ou moins de générosité, le poids de l’ombre qui protège tous les secrets….
    Cette année trop de poids l’ont fait céder… mais que d’une moitié! Oui, il vous faudra trouver une forte béquille pour soulager ce qui reste de lui……………
    Sabine, je parle bien de ton cerisier… pourtant dans ma tête résonne mille ressemblances avec la situation actuelle d’ici… des moments qui pèsent lourds, 10 jours déjà … que l’inconnu se profile.
    Passe une bonne journée et surtout ne gache pas les fruits tombés, en confiture ils te rappelleront à beaucoup de petits déjeuners
    Bisous

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  7. Je ferai le parallèle avec ce que me disait ma grand-mère, lorsqu’ un enfant arrive dans une famille souvent un aïeul s’en va. Il est possible que ton cerisier n’ai pas envie de s’en aller totalement mais en se scindant en deux il t’a fait découvrir son enfant que tu as sublimé avec tes mots.

    Comme ton histoire est émouvante et belle, on est transporté par tes mots et leur délicatesse.

    Belle journée et bisous

    EvaJoe

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  8. Une histoire émouvante qui se chante sur la romance d’autrefois…

    « Quand nous chanterons le temps des cerises, »

    le vieil arbre a tout donné,
    il lui faudra une bonne béquille pour l’an prochain…

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  9. Je profite d’être sur mon ordi pour commenter car par ma tablette , je n’y arrive pas.
    Une bien jolie histoire que tu nous contes là, j’aime beaucoup…
    Bon et doux Lundi Sabine
    Bisous
    timilo

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  10. Bonjour Sabine,
    Cette histoire émouvante, tu nous la contes avec des mots qui sont bien plus que des mots : des étincelles de vie ! J’ai lu que les arbres se soutiennent entre eux, échangent à leur façon, et je me surprends parfois à penser : au lieu de « Je vais en forêt » : « Je vais chez les arbres »…
    Douceur chez toi et gros bisous de nous deux
    Alain

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  11. Bonjour Sabine,

    Bel hommage à ce vieux cerisier. C’est touchant, émouvant, comme tout ce que tu écris. Il m’a remuée.
    Ah si jeunesse savait!
    Ah! Si vieillesses pouvait! Maintenant que j’ai pris de l’age, ces mots prennent tout leur sens. Bien que l’on dise que l’age, c’est surtout dans la tête… 😉 Mais je m(éloigne du sujet…

    Merci pour ce doux moment chez toi
    Je t’embrasse bien fort
    😉

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  12. Bonjour Sabine,

    Me voici de nouveau a lire tes mots enchanteurs qui m’on tant manqués après ces mois de pauses.
    Il est parfois besoin de se couper de la vie virtuelle pour ce consacrer à celle des êtres chers qui nous entoure, de découvrir et d’apprécier encore plus les beautés de la vie.

    J’ai lu avec avidité tes billets dont j’avais le retard et comme toujours j’ai voyagé en ta poésie sublime.

    J’espère que ton ancêtre ce remettra de cette blessure. Mais je n’en doute pas car Mère Nature à plus de ressource que nous en ce domaine et qu’il prodiguera a cet enfant grandissant tout l’amour que toi même lui a donné.

    Philippe.

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  13. Bonjour Sabine,

    Je suis émerveillée de ton amitié avec ce grand cerisier qui t’a offert durant sa vie d’aussi jolis fruits rouges et savoureux . Il a beaucoup donné et je comprends la tristesse de son départ, mais aussi la joie de découvrir qu’il part en laissant la vie continuer à travers un jeune plein de promesses ! C’est une belle histoire ! merci !
    Je t’embrasse
    Blanche

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  14. Comme tes mots sont beaux ! Comme je comprends ce que tu peux ressentir . C’est une histoire d’amour entre toi et ton cerisier . Il a laissé un petit arbre qui a sans doute hérité de sa sagesse . J’ai dans le fond de mon jardin un vieux cerisier . Il a toujours été splendide mais l’an passé il a fallu élaguer ses branches . Cette année mon bel arbre n’a donné ni feuilles, ni fruits . Le voir ainsi me chagrine beaucoup . Mais je vois une quantités de petits oiseaux se reposer sur ses bras nus. Une deuxième vie lui est offerte , différente certes, mais il est là tel une sentinelle . Merci de ton beau partage . je t’embrasse de tout coeur.

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  15. La nature se rit de la mort car elle pressent l’éternel renouvellement.
    Un cheminement poétique et photographique en pensée, au pas de la nature…. une tendresse, une fusion fraternelle !

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  16. Un petit coucou Sabine… j’espère que tu vas bien, en pause un peu posée pendant ce temps vacant.
    Nous t’attendons… je t’attends… tes mots manquent à l’Etoile Âmie !
    bisou amical.
    Den

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  17. Comme tu, parles bien aux arbres qui souffrent comme les humains mais qui résistent, parfois ils meurent mais quelque chose de leurs racines reste dans la terre et plus loin, plus haut saura perpétuer l’amour et les regrets qui montent en nous…
    Merci Sabine pour ces chants de vie

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