Perchée sur sa colline, cette maison est déjà entourée de la fragrance des cieux …
Sous le préau, le salon en rotin inspire de douces attablées autour des étoiles. Dans une grande volière, comme tout droit sortie des rêves de Prévert, une nuée d’oiseaux colorés attend l’hôte, coeur déployé, autre lieu d’écoute …
Chaque chambre a son parfum de fleur …
Yoann avait été déposé dans celle du jasmin, semence-reine de notre demeure, en embaumant ses murs … Mais, rien de cette note singulière n’avait été révélé alors, au moment du choix des alcôves !
Vous ne trouverez pas ici un atome de tristesse, de la mélancolie tout au plus. Sur les tranches de marbre, pain de vie fait et décoré « maison », tout est à partager en saveur authentique …De vrais contes à visages ouverts !
J’y flâne aujourd’hui comme dans une galerie d’art, découvrant des mots poètes, des paysages en mouvement, des cabanes intimes, d’anciens cueilleurs d’instants …
Marie-Claude, celle qui avait accueilli notre souffrance huit années plus tôt, est là, fidèle au poste. Elle me parle de son chemin de Compostelle, des marchés gourmands qui réunissent tant d’hommes.
Nos échanges ont toujours eu le chant d’une source, en habit de forêt !
Plus je retrouve ce lieu, plus j’en repars légère, apaisée à mon tour …
Yoann m’offre, à chaque fois un peu plus, la sérénité sublime de son dernier voyage …
Le premier jour où je mis le pied sur ce seuil, alors que je croyais m’y évanouir, mourir même, un bien-être imprévisible, exquisément ravageur, s’était emparé de moi , ranimant mon sang de sa force, refleurissant mon écorce.
Nous étions trois, et tous trois envahis de la même sensation ce jour-là …
Personne ne peut sans doute comprendre, je ne cherche d’ailleurs pas à entrevoir, je me contente de la laisser m’enlever , aujourd’hui encore ….!
La route, elle, reste imprimée de mes « pourquoi » …
Sentiment d’injustice, ce drame ne pouvait-il pas être évité ?
En réponse, silencieusement, tout se recouvre de grâce et mue dans un autre fond …
Je n’ai pas froid, un étrange manteau, d’or-Gandhi, vient vêtir mes épaules dès que je me retrouve devant cette « liane à paroles » ….

Il en exhale toujours des senteurs de taille crayon, celles que je recherche lorsque je marche dans un bois, et les arbres foisonnent d’oiseaux, derrière, bande de tendres gavroches dans la cour de récré du ciel …
Je suis bien,
divinement bien !
J’avais décidé qu’aujourd’hui, en ce dimanche 23 octobre, nous poursuivrions cette journée autrement …
Nous irions plus loin dans la célébration !
Nous avions réservé un restaurant au hasard qui nous ferme la porte au nez pour un quart d’heure de retard, sans doute n’avait-il pas de clients ce jour-là ? Il n’y respirait de toute façon rien d’insolite.
Le hasard a un coeur et des oreilles blotties contre notre histoire, je ne crois pas en ses passages anodins !
Il nous mène vers un lieu où nous retrouvons tout ce que nous aimons …


Des peintures vénitiennes, des bougies enchanteresses, une cuisine ciselée au fil-amant de nos papilles, la meilleure jamais savourée, et mes yeux plongés dans ce hublot de verdure, me rapprochant des branchages délicats que je venais de quitter …
J’ai l’impression que cette page, gourmande, conçue à feu et à sens, ravivés, m’est « offerte spirituellement » !
Une fois débarqués de notre » île-flottante », nous nous dirigeons au nord de Foulayronnes, vers l’église de Monbran, point de départ de notre escapade.
Un peu avant le village, hésitant sur la direction à emprunter, nous nous arrêtons dans une ferme. Une très vieille dame qui est entrain d’uriner dans un seau à vendange, au pied de sa maison, a juste le temps de rabattre le pan de son tablier …
Elle nous contemple d’un oeil polisson, avant d’arriver vers nous. Mes yeux s’attardent un moment sur ses bas déchirés…
Que de malheurs ont dû supporter ses épaules, ils l’écrasent de tout leur poids, son museau de renarde effleure presque le sol …
Un vieux gant de toilette est posé sur un piquet, à l’entrée. Je le vois en repartant …
Nous aimons déjà tout ce qui nous entoure, la simplicité de ce terroir, la franchise de son accent !
Enfin parvenus à l’église, nous troquons nos frusques de voyage pour celles de pèlerins (pas très différentes !), regrettant de ne pas avoir emporté nos shorts, tant l’air est tiède.
Je lis sur la feuille le mot « escalade » et, rien qu’à le prononcer, il fait jaillir de mes creux des fontaines de plaisir !
Ce sera une ballade, à la mesure de nos désirs, pentue, de celles dont nos instincts de vieux chamois raffolent !

L’église a la sobriété grandiose d’un temple …

et ses messages de lumière imprègnent déjà mes pas !

Il fait si doux …
Cette flânerie a un souffle particulier, il y règne l’amplitude grisante des montagnes …

Quelque chose, dans ce fauteuil, m’attire, m’appelle même …
Je le ressens ruisselant de solitude !
Mais, quelle est cette ombre, sur le coin de la fenêtre, que j’aperçois aujourd’hui et qui …
m’interpelle ?

Je cherche, parmi le feuillage, dans une fente du bois, la clef de ce mystère …
J’ai dû l’emporter, intact, laissant sur le fauteuil une page de mes émois …

Des poules couraient dans un bois …
J’aime lorsque les choses ne sont pas forcément à la place où nous les attendions !

Nous allons escalader ce sillon, traversant collines et vallées…
J’ai envie d’étreindre les joues potelées de ce paysage, d’y mordre dedans !
Les maisons encensent la poésie de l’âtre, et le feuillage, dans son bouillon d’ocres et de soufre, récite à chaudes rimes les fugues lointaines des fruits …
Un roux-coule
de ces heures éphémères,
les pigeons voyageurs
les garderont dans leurs veines …
Les vieilles cours, sous le crachin des fûts, repensent au cheval fourbu, sur des terres trempées.
Elles scellent, de leurs souvenirs, les fissures des pavés …
Les demi-lunes des fers,
et de nos pas les ballons,
graveront les poteries
pétries un jour de pluie
des maints d’une poétesse …

Monter, puis redescendre, sans cesse …
Nos têtes s’étourdissent de cet horizon, où les champs ondoient comme des vagues …

J’avance et j’écoute,
les mots d’amour murmurés de la bouche du soleil à l’oreille des chemins …

Compost-aile ….
Je te donne mes vers, en épluchures de crayon, mon marc d’oh, mes graines de tout, mes coquilles-âge ..
Puissent-ils multiplier les roses sur les balcons du tant !

L’allée de Hurlevent …
Et, à quelques pas, des cours de musique …
Alors, je me suis imaginée !
De l’angle de la rue-aile, des notes de piano surgissent et s’envolent, se mêlant au blues de l’air et à l’allegro du vent …
Et, à la saison d’âpre-haie,
les pierres, fervent public,
rayonneront de ces divagations délicieuses !

Encore une fenêtre où « je crois entendre », celle du château de Monbran …
Un de ses évêques pleure
sa muse volée par Shakespeare ….

Prions la fée des errances,
afin que, jamais,
nos sommets ne soient tout à fait atteints !
(Sabine)
A cet instant où ton mal-être se transforma en graine de paradis,
jets-rues-à- l’aime ….
A mon fils Yoann,
envolé un 23 octobre …
Pour toi, j’écrirai ce troisième livre …
De racines d’être en magnifiques spores-ange, j’en ferai
le plus vivant des herbes-riez !
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Je n’ai pu résister à l’envie de vous faire écouter la musique de ce superbe film « Cézanne et moi », dont l’impact coule encore en moi ….