L’aigrette et le cygne

 

Pour répondre au gentil défi de mon amie Roselyne link sur la « ronde des petits animaux »

 

 

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En plein coeur des marais, les yeux inlassablement tournés vers le haut promontoir au loin où se dressent les vestiges d’un vieux donjon, sans doute l’un des plus beaux de France, et où jadis était cultivé le sel, une aigrette, douillettement installée sur le dos d’une vache, devenue son amie, d’un plaisir inassouvi l’écoute …

Elle l’écoute lui raconter tous ces divins commérages entendus d’on ne sait où ? Elle lui parle d’un temps, bien reculé, où la mer aimait encore à marcher sur l’intérieur des terres, s’amusant à cogner les remparts, et, lorsqu’elle se retirait, le joli donjon s’entourait alors d’une splendide vase bleutée, la broue, d’où il tira d’ailleurs son nom  « La tour de Broue » !

Elle lui conte la gabelle et l’ambiance animée des halles aux vivres, et ces femmes qui gravissaient les marches des remparts afin d’aller y observer quelques navires mythiques, qui parfois leur faisaient verser de chaudes larmes, leur rappelant un amour perdu …

Le sol était des plus fertiles en ce temps et le bois abondait , le cèdre guérissait du scorbut et les pêcheurs de morue sillonnaient les côtes qui résonnent encore de leur franc parler !

Dans ce pays, on y extrait aussi de l’argile, et on y fabrique de jolis carreaux en terre cuite, et notre conteuse maraîchine connaît même les endroits où subsistent encore des fours à briques …

Elle en connaît des mystères, des trésors et des histoires et l’aigrette , à défaut de petits insectes ou vertébrés aquatiques, se gave de toute cette magie !

Elle entretient d’excellentes relations avec l’épervier, le cormoran, le cygne, et même le ragondin ou le héron, mais c’est inlassablement sur le dos de sa conteuse ruminante qu’elle se sent le mieux …

Un jour que l’aigrette sommeillait sur le bord d’un fossé, un beau cygne passa

Sur l’instant, elle crut à un mirage, tant son corps se déplaçait avec grâce, mais ce qui la fascina le plus  fut son air délicieusement absent …

Il avait même légèrement détourné la tête en la voyant, comme s’il voulait à tout prix préserver son sommeil… Oh! comme il devait être charmant !

Dès lors, l’aigrette ne put se détacher de cette sublime vision et elle essaya de glaner ça et là quelques informations mais personne aux alentours ne connaissait ce mystérieux cygne.

Aucun ne lui avait vu de dulcinée et encore moins de petits cigogneaux.

« Mais, vas donc voir ton amie, lui dit d’un ton empressé un héron entrain de guetter fébrilement son anguille, celle qui sait tout ! Je suis sûr qu’elle en aura entendu parler ! »

Sur cette précieuse suggestion, l’aigrette qui avait déjà l’intention de se rapprocher de sa conteuse, prit sans plus tarder ses longues jambes de danseuse à son cou !

Une fois posée sur le dos de son amie, c’est elle qui pour une fois engagea la conversation.

Elle lui expliqua son ivresse d’un instant, son fol émoi et son coeur qui, depuis, battait comme le vent dans sa poitrine !

Notre conteuse, à ces mots, devina rapidement la suite …

Or, ce cygne, bien sûr qu’elle en avait entendu parler …Car, des espèces comme celui-là, les marais pouvaient les compter sur le bout de leurs roseaux !

« Ce cygne là, ma belle, n’est pas de nos prairies humides. Il loge vers un endroit des plus ensorceleurs, où je ne te conseille pas de mettre les pattes…

On y aurait vu autrefois des druides, cueilleurs de gui, envahir la peupleraie, qu’ils hanteraient encore de nos jours. Au solstice d’hiver, on y entendrait leurs rires et leurs serpettes d’or fouetter l’air sauvagement…

A quelques pas de là, se dresse un vieux logis tout en pierres, emprisonné dans ses remparts, où le lierre a planté avec force ses doigts grêles et crochus …

On dit encore que deux chouettes hulottes font tressaillir les arbres à mille lieux à la ronde de leur souffle bruyant et lourd … »

L’aigrette à ces mots, qui ne semblait pas effrayée pour le moins du monde, s’empressa d’extirper de son amie les derniers détails juteux, qui lui permettraient de se rendre dans cet endroit si ésotérique et elle fila !

Elle n’eut pas beaucoup de peine à reconnaître les parages, si extraordinairement décrits par sa conteuse fétiche, elle s’y aventura toutefois avec précaution, guettant le moindre murmure, la plus imperceptible présence …

Elle atterrit dans un des jardins du logis.

Au départ, tant nourrie de méfiance, elle avança sans trop lever la tête ni regarder aux alentours, de peur de voir apparaître un quelconque fantôme par les fenêtres.

Puis, au fur et à mesure qu’elle marcha, elle se laissa gagner par une sorte d’enchantement, ne pouvant plus établir le moindre parallèle entre tout ce qu’elle avait entendu et tout ce qu’elle était entrain de vivre…Son amie se serait-elle à ce point trompée ? Ou, n’avait-elle eu écho que de certains événements, au détriment des merveilles de ce paradis qu’elle était entrain de découvrir !

Elle vit une petite chatte endormie dans la paille entre trois adorables chiots, le gigantesque laurier thym grouillait d’oiseaux et cette symphonie unique donnait un air de fête, derrière chaque volet se cachait un de leurs nids …

Quelques petites plateformes en bois avaient été installées le long d’un grillage, où venaient manger le rouge gorge, la mésange et la tourterelle …

Un merle dodu l’invita à le suivre, pointant du bec un peuplier où se tenaient deux corbeaux, l’un d’eux, lui expliqua-t-il, avait été hébergé, soigné et nourri ici alors qu’il ne savait presque plus voler !

Entre lilas et pêcher, l’aigrette aperçut une singulière petite maison en bois enfermant des peintures ethniques, sans doute l’atelier d’un artiste …

Plus elle décelait les secrets de cet univers quelque peu hors du temps, plus elle comprenait le choix pertinent de son cygne !

Son instinct la poussa à survoler les remparts, peut-être rencontrerait-elle le corbeau jadis blessé, mais c’est indéniablement autre chose qui l’attirait …

Elle l’avait entrevu en venant, elle qui aime tant se mirer dans les eaux douces !  Il y avait là, juste derrière les jardins, un magnifique marais recouvert de lentilles, tout y était d’un joli vert comme sur une rizière, et elle avait aussitôt reconnu la demeure des grenouilles ! 

Mais, à mesure qu’elle s’approchait, elle crut voir entre les hautes herbes une esquisse d’albâtre glisser sur l’eau …

Non, elle ne glissait pas, elle ….déroulait chacun des rires du temps !

Il était là, embrassant l’eau de la douceur et l’élégance d’un menuet, le virtuose de son coeur, son bel hobereau …son cygne !

Elle avait bravé pour lui tous les interdits, se rendant sourde à tout, même à l’écho de voix de sa meilleure amie …

L’amour, c’est bien connu, donne toutes les audaces !

Mais elle ne regrettait rien car, cette fois-ci, il n’avait pas détourné le regard

Plus tard, elle irait revoir sa conteuse chérie et, du haut de sa butte sacrée, elle lui raconterait la sérénité des heures ici, la féerie des oiseaux et ….le sourire attachant d’un  » passant des rives » !

 

Sabine.  

 

 

41 réflexions sur « L’aigrette et le cygne »

  1. Bonjour très matinal, ma chère conteuse hors pair !

    Tu vois, je ne dormais pas, et lors de cette insomnie, j’ai la chance de tomber sur ton joli conte qui je le pense, va me remettre au lit, comme les enfants, avec des images plein la tête.

    J’aimerais être cette aîgrette arrivant dans ce paradis ! et j’aimerais aussi tellement entendre ta voix, raconter !

    Merci pour cet excellent moment et mille gros bisous.

     

     

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  2. Merci Sabine pour ce très beau conte qui m’a emporté bien loin, dans un pays que j’aime, celui des animaux. J’ai suivi la quête de la petite aigrette ; tu la racontes avec tellement de charme et
    de poésie. J’imagine cette histoire illustrée dans un livre pour enfants. Elle en réjouirait et ferait rêver plus d’un !

    Bisous et douce journée. Alain

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  3. Ton conte m’enchante !

    J’aimerai suivre cette aigrette, car je pourrais peindre tous ces oiseaux, dans un cadre merveilleux, entourée d’une atmosphère enchanteresse.

    Gros bisous, j’aurai du rêve pleins les yeux pour aujourd’hui.

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  4. Les aigrettes me rappellent toujours les bords de l’Odet en Bretagne… Là où elle se « nichent »… Ton conte est agréable, Sabine. Quelle imagination !

    Gros bisous,

    Cathy.

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  5. Bonjour sabine, très jolie histoire que tu racontes là, avec cette belle aigrette, lorsquer je me rends dans les marais de Camargue, j’en aperçois très souvent, mais je ne sais pas faire de
    contes avec, peut-être parce qu’il y en a trop, alors ça me rebute…bise et bonne après midi…et merci de tes gentils mots déposés chez moi…

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  6. Magie de la rencontre, du coup de foudre !

    Quel beau conte …on voyage dans les éléments, dans le temps et les légendes …

    Et puis le coeur de cette petite aigrette s’emballe , elle n’écoutera que lui, et se fera confiance malgré les mises en garde de son amie … cette petite a du tempérament !!

    Merci Sabine, bises, Plume .

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  7. j’ai adoré…………………………………….

    une merveille ce joli conte , avec des descriptions qui ont enchanté mon esprit.

    L’amour n’a pas de frontière et tu le prouves avec tes éclats de vivre qui forcent les plus ronchons de nos neuronnes à sourire à ta suite.

    Et les miens te suivent sans peine.

     

    bisous et bravo

     

    Roselyne mon amie au grand Coeur va être ravie

    bisous à vous deux

     

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  8. Oh Sabine , comme ton histoire est merveilleuse. Tu as relevé avec brio le défi, tu es une conteuse hors pair. Il y a tellement de tendresse dans tes mots. Je n’ai pas pu répondre à ton mail.
    Impossible de le faire partir ! Mais quelle émotion ! Un immense MERCI douce amie. je t’embrasse très fort.

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  9. Bonsoir Sabine,

    L’aigrette nous offre un merveilleux voyage en compagnie des ses amis. J’aime lire les contes qui nous donnent l’impression de parcourir des kilomètres d’aventures. Ces oiseaux sont des hérons
    gracieux revêtus d’un beau plumage blanc immaculé. Je la trouve bien entourée cette gracieuse aigrette. Du haut de ses pattes elle a franchi tous les interdits où d’une rencontre naîtra une
    passion amoureuse pour un cygne chanteur. J’ai savouré pleinement ma lecture sur une belle marche harmonieuse où l’oeil s’émerveille devant la beauté de cette rêverie, le coeur réjoui sous le
    charme de ces effluves musicales d’une faune et d’une flore qui s’étirent à l’infini. Je t’embrasse bien fort. Douce soirée. Corinne.

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  10. je me suis assis confortablement dans mon fauteuil et sous le charme j’au relu deux fois ce conte fantastique par sa simplicité , son naturel et son appartenance à la vie tout
    simplement…faire jouer ces animaux avec tendresse….un enchantement..;merci pour ce moment délicieux
    amicalement
    claude/lagardére

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  11. Bonsoir Sabine

    Je suis passée chez Roselyne et j’atterri chez toi pour y lire une très belle histoire.J’aime les contes depuis que j’ai vu un conteur sur une scène.Je te souhaite une bonne soirée et merci de
    m’avoir fait rêver.Lamée

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  12. Re-coucou Sabîne Ma Copîne !!! Sourîre

    Whaouuuuuuuuuuu !!! Alors-là, ch’uis tendrement épatée !!! BravOOoooOO pour ce merveilleux Conte, relaté avec beaucoup de Talent et moult détails délicieux !!! immense sourire

    Vraiment, tu es Douée Ma Tendre Conteuse… Sourire… en fait, tu as toujours eu au Creux De Toi cette douce et inimitable façon de narrer les choses… et « en version Conte », tes mots forment
    « des phrases Magiques »… Si, si, si, ben vouiiii, « elles » me transportent Au Doux Pays Imaginaire, celui où mon esprit se nourrit pour faire survivre Mon Coeur……. intense sourire

    Et pour ceci… MILLE MERCI Ma Douce Amie !!! Sourire Radieux

    Je te souhaite un merveilleux vendredi ainsi qu’un superbe week-end serein !!! Sourire Câlin

    Mille milliers de millions de milliards de tonnes de très très tendres Bisoudoux

    ***Tincky***

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  13. Bonsoir Ch_re
    Sabine

    Je suis heureuse de te
    connaître

    Ton petit poême en début de
    ton blog est sublime ,j’adore

    Si tu le permets, je te
    mets dans mes liens car ton blog est trop  beau et j’aime tes textes  

    Bonne nuit mon
    amie

     Bisous

    Méline

     

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  14. Un très joli conte très agréable à lire!

    Ça me fait penser que j’ai une ou deux photos de marais recourvert de lentilles (et Marie doit en avoir aussi, car on était ensemble en promenade lorsque je les ai prises) qui auraient bien
    illustré ce conte;o)

    Merci pour le partage. Et merci pour ta visite et ton petit mot sympa dans mon blog;o)

    ***

    Bisous et belle journée* et à bientôt***

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  15. C’est sublime, magique, féerique..Ou vais je trouver les mots pour te dire mon ressenti, la langue française en a bien mais là c’est indescriptible tellement je suis sous le charme de tes mots.

     

    Mais j’ai fait un rêve, sourire, j’aimerais que tu me le lises oui que tu me le contes..Hein ma petite soeur que tu vas me donner ce délicieux cadeau, car je connais déjà les intonations de ta
    voix et j’imagine déjà comme ce sera Grandiose..

     

    Une apothéose en quelques sortes.

     

     

    Bisous et merci pour ce si joli conte… J’ai déjà lu chez Roselyne comme elle a su apprécier….

     

    EvaJoe

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  16. J’ai éouté cette voix, ta voix, ce fut beau, vraiment comme je l’avais découvert mais en infiniment plus fort, beau…

     

    C’était magique…

    Quelle conteuse tu es, tu as la voix, le charme , la manière de nous faire vibrer, j’ai retrouvé l’espace de ce conte l’âme de mon enfance qui doit toujours être en moi, mais qui ce soir était
    moi…

     

    MERCI M E R C I   M.E.R.C.I. ET ENCORE MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!!!

     

     

    Bisous soeurette de mes mots

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  17. Coucou Sabine, j’ai suivi l’aigrette jusqu’à chez toi (j’ai reconnu le décor et ton ami le corbeau dont toi et Patrick avez si bien su prendre soin avant qu’il ne reprenne son envol, mais pas
    trop loin de votre maison si accueillante). Quel joli conte une fois de plus, que de verve et d’envolées lyriques. Tu nous balades au fil du temps et de l’espace et l’on se laisse mener avec le
    plus grand des ravissements. Mille bisous l’enchanteuse. J’adore la Bretagne. Si mes pas me conduisent une nouvelle fois dans cette superbe et attachante région, je ne manquerai pas de venir te
    saluer du haut de mes 1,62 m. ;D  mais pas tout de suite, ça c’est sûr… Tu peux passer l’hiver tranquille, et le printemps aussi, et … qui sait ? J’ai appris à vivre au jour le jour. Je
    ne me projette pas. Gros gros bisous encore. Marie  (PS : si tes pas t’amènent vers la Lorraine, un café t’attend bien au chaud).

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  18. Une histoire de rencontre délicieuse accompagnée d’un de mes instruments préférés. De quoi planer autant que le cygne et l’aigrette réunis. Ton observation des oiseaux alliée à ton sens de la
    narration avec un romantisme exprimé nous enchantent. Bisous Sabine. Suzâme

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  19. Coucou Sabine

    Une jolie comptine que tu nous déposes là mon amie, ta plume était encore bien aiguisée et ta rêverie bien éveillée. Je prends note qu’il faut toujours répondre à un « Cygne » surtout d’amitié. Je
    t’envoie un petit signe à moi avec plein de bisous à l’intérieur.

    Gros bisous mon amie, et bonne journée à tous

    Roger

     

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