J’ai longtemps hésité avant d’ouvrir cette page, ces poèmes me ramenant fatalement à certains souvenirs !
MAIS, (car il y a un « mais » MAJUSCULE !) , j’ai pris le courage de les parachuter ici, car ils sont la preuve vivante que l’on peut continuer à être forgé par le temps tout en suivant des chemins merveilleux…
Chemins qui nous bousculent de l’intérieur en douceur, en profondeur, qui pansent nos plaies vives les embaumant presque, leur donnent un sens et nous mènent vers de fantastiques halos de lumière …!
Chacun de ces poèmes avait été soigneusement dactylographié sur une ancienne machine à écrire mécanique, ma première d’ailleurs. Ces poèmes ont été écrits à une période d’extrême misère matérielle et morale ! Leurs mots marchaient alors dans un tunnel sans issue pour crier la révolte et parler de la misère humaine…
Parler encore de toutes les injustices que j’avais vu commettre et n’avais pu réussir à « digérer » au fil du temps…Elles concernaient, entre autres, le monde de la magistrature (j’ai débuté des études de Droit), celui du capitalisme et aussi celui de la marginalité.
Si aujourd’hui encore, mon envie de dénoncer la misère humaine n’a pas cessé…mes mots ont toutefois trouvé une autre façon de l’aborder !
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Ce petit recueil de dix poèmes s’intitulait : EXPRESSION
Il comportait une première et une seconde préface, ainsi qu’une table des matières.
Je vous le transcris ici tel qu’il fut créé à l’époque (en 1984) et tel qu’il demeure toujours …
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EXPRESSIONS
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1ère préface
Voici des mots originaires tout à la fois d’un réalisme cru et d’un espoir intense…….
et voici ce besoin si fort que je ressens,
de vouloir faire vibrer et percevoir par un verbe,
n’obéissant qu’à la loi naturelle,
à la fibre de l’instinct, de sa sensibilité et de ses images.
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2ème préface
A chaque minute où j’écris, …je taille,…je retaille…
et fais de la mine de mon crayon une pointe presque tranchante
…Son rendu m’aide à pouvoir mieux définir un monde, avec qui je suis en conflit aigu
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. Le souffle de la pensée sauvage
. Perpendiculaire
. … pour l’oisillon au trébuchet
ou la terre vampire
. Echappatoir
. Futur
. L’E-motif
. Paysage
. Barreau
. Le chagrin le plus long dédié au marginal
. Expression
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LE SOUFFLE DE LA PENSEE SAUVAGE
Le verbe animal
est un gitan
un regard émouvant sur le monde
qui a la lueur d’un grand feu
Il est l’ennemi de la raison
un primitif un traîne-misère
qu’elle a laissé dans un coin
de son sillon obscur
par peur de la vérité …
Ainsi les auteurs de la mort
guidés par cette muse
oppressante et frigide
n’entreront jamais
dans le pays magique de la sensation
Leurs battements d’ailes transis
traversent une ère structurée
planifiée
schématisée
où l’âme devient samouraï
le coeur un souffre douleur
et l’énergie de l’oiseau
une vertu condamnée,
les mots sont arrachés de leur terre
pour un abîme fait de chants désynchronisés
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PERPENDICULAIRE
Sur l’image fantôme
planquée dans les hélices
du p’tit garçon blessé,
j’ai frayé vers l’altitude
des chicanes blondes
en lettres surprise
et aux reflets satin,
à la découverte d’un halo calin
et de ballades pulpe d’orange
…Sur un crayon géant
je m’en vais disparaître
fuir les aurores platine
et les pantins de plomb,
le néant qui émerge
avec le chant du métal …
de mon avion puissance frégate
je trace une ligne douceur express
sur des cabanes où affleure
un chagrin tropical,
je griffonne sur le béton
des syllabes grêles
et revêt le spleen
du plumage des souïmangas,
je grave les murs
d’un charme d’aquarelle
et inonde les chaussées
de flocons d’asphodèles,
j’ouvre des mots
pliés en éventail
dans un coeur rapiécé
et t’écris une chanson sur l’air
un peu d’audace
et de l’imaginaire.
Je poursuis dans une savane en papier
entre des arbres en alu et des pleurs citron
des rapaces de l’immensité
des projets roses et pervenche
des aigles et des éperviers
au regard touchant.
Je joue dans une gorge claire
un pays acoustique
des hauts bois légers
des guitares profondes
des orgues mystère
sur des accords de pavés
des rires timides
des peurs cubiques
qui se dénudent
dans un panorama de résine et de fer.
D’un profil argent
à la rondeur de lune
d’un visage absent
je dévie la trajectoire du monde
et pars à la rencontre du futur
de l’équilibre et de la géométrie
isolés dans la zone lumière
d’un univers libre et secret
à l’encontre d’un chat
et de l’hirondelle,
sur les sommets de l’art insolite.
Je gradue des spots
en effets de fontaines
par dessus les amphis
et diffuse sur les enseignes
de la tendresse au néon,
je vise sur un objectif
au corps de plâtre
de l’abstraction sur négatif…
et t’envoie ce poème cliché
cet éclair juvénil
ce coup de flasch loupé
°°°°°°°°°
…. pour l’oisillon au trébuchet
ou la terre vampire
Entre deux sépales sangsues
tête un bourgeon asphyxié,
une nouvelle poche éclatée
des sources de Vénus
a laissé sur la grève
un égoût anthracite,
un têtard se débat
dans le sable mouvant.
Entre les branches en dents de scie
d’une astérie qui règne
sur un réel singulier,
un bébé des tourbières
cisèle ses nervures
emplissant à chaudes larmes
les côtes dentelées …
des mots poignants s’évaporent
d’étreintes de dinosaures
en bulles S.O.S
Des sons percent le vide
en mots qui retombent,
une nouvelle fusée à coeur ouvert
s’est projettée dans les bras
d’une femme fatale
dans sa lumière diaphane,
sur les débris en pointes d’aiguilles
de son miroir d’opalline
un esprit nain se cristallise
dans l’émotion et dans l’horreur…
des cris rampent
en affreux cafards
A chaque première lueur trouble
d’une aube anormale hystérique
contrefaite et dénaturée
apparaissent de nouveaux témoignages
sur la voie d’un balbutiement
mi foetus mi larve,
de nouvelles corolles
incarcérées à vif
dans leur joyau d’épines
qui s’atrophient dans leurs cellules
ou s’abreuvent de leur abscès,
de nouvelles criste-marine
qui se déchirent et se décharnent,
des névés qui échelonnent
et au compte gouttes
bloquent les heures.
A chaque fraction de seconde
sur l’étrange rempart,
apparaissent de nouveaux bébés rhinocéros
destinés à l’étuve
et au combat
des rêves immigrés
aveugles
et mal dans leur peau de noir
des germes qui deviendront roses
à coups de matraque
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ECHAPPATOIR
A toi qui rêves
d’une approche avec la mer rebelle
les yeux immergés
dans une baignoire de luxe
cerclée de chrysanthèmes
ta vague
est un baiser effervescent
une giclée d’absinthe qui se jette
au fond d’une gorge ridée,
ton berceau
est l’alliance clinquante
du chrome et de l’acier
d’où tintent les cloches de l’enfer
sur des archipels morose
des nids de mousse
et des jardins de pierre.
Ta banlieue se dresse
en idolle pétrifiée
vers des hauteurs vermeilles
qui saignent de détresse
dans la prière du cormoran,
ton amazonie
est peuplée de grands saules
et sous le vent qui batifole
tu penses à des pendus ballants.
Ton soleil
est une chevelure d’ange
qui frappe un mont de ferrailles,
ton corps est un vitrail
et une paupière grande écartée
où perle la rosée
dans une lueur d’allumette.
Ton appel est de ton corps ouvert
un essaim de cigales
en comètes qui s’écrasent
sur leur sol incendié,
ton firmament est bombé
de signaux limpides surnaturels
aux formes de mouettes crucifiées.
Tes mots
suivent dans les ténèbres
l’ascension de ballons colorés,
ils sont la coexistence
du nuage et du palmier
une bouffée d’oxygène
un hélicoptère égaré
le cordon ombilical
de la piste à l’envol.
Ton chagrin
est un navire paralytique
une falaise battue
par la raclée de l’océan,
ton poème
est un enfant qui râture
sur son carnet de notes
le refrain des galets
roulant sur la jettée
mitraillés en plein coeur
et compose en mesure
sur de grands lacs canadiens.
Ton être a la couleur
du crépuscule tombant sur Harlem
il va du ciel désemparé
qui s’est ouvert les veines
au candide bouquet de violettes,
ton journal est bourré
de noyades de vieillards
Sur la rembarde de son corps
ton royaume est cet état de paix
qui règne après l’orage
sur des croassements fous
et des étincelles fantastiques,
tu parles sur sa chair
de caresses d’un bleu sauvage
et d’algues qui se balancent
entre ses doigts qui se crispent
et laissent sur tes nuits
un impact de schiste
Tu rêves
comme un vrai pauvre peut avoir soif
d’un naufrage qui parle d’amour
d’un corps à corps avec le jour
ton rêve
est un cri d’égorgé
qui réveille une rue dortoir
°°°°°°°°
Dédié à mon fils Yoann
FUTUR
Apprends moi à revivre
à remonter le temps
Je ne suis qu’un fruit acide
que tu ramasseras peut être
au bord de cette longue nationale mouillée,
je ne suis que le maître
sur qui tu poseras amer
le regard instruit
du pauvre chien inquiet
Apprends moi mon ange
l’histoire de ces îlots enchantés
au large des nuages lourds,
apprends moi les coraux
dans cette mer de brouillard
qui enserre nos sérails
où les promeneurs sont des poissons
qui nagent et vivent à fleur de peau.
Apprends moi le goût de l’azur et du vent
le goût de la nuit dans les étoiles
et cet état de tendresse
qui naît dans les sous bois
avec le soleil levant.
Raconte moi au coeur du nucléaire
des tourbillons de libellules
un monde tout habité de vert
ce monde à l’envers
avec des parures souterraines
et des prés immortels
dans le sanctuaire blafard
des sourires fanés
de leurs voix immuables.
Conduis moi mon amour
dans le paradis lyrique
de tes yeux fascinés
de roseaux et de mares ingénues
de tambours et de gigues
de sarcelles et de choucas,
prends moi dans leur course effrenée
en chevauchées extraordinaires
sur les pages du temps,
de romances en polonaises
des littorals immaculés
de fjords et de moraines
en symphonies bohême
venues des champs de blé
et des immenses plaines.
Un jour …
de ces giboulées de larmes
que le présent entonne …
ne retentira sur tous les toits
qu’un bourdonnement sinistre,
des ailes des dragons
s’exhaussera la colère
hululeront des tourmentes
dans des cliquetis d’ossements
et des odeurs de braise
et les fleuves sombreront
dans la lave de leur venin.
Un jour
ne se propagera plus
qu’un courant de lamentations
porteur d’un ultime présage
… comme un air de tuba
et de chants grégoriens
émanant d’un
cimetière de colombes …
+
A DALI
D’un précieux calvaire … en oeuvres bafouées … à une aigre prise de conscience, éminente de cynisme, amplifiée de révolte ……le Maître se convertit dans un abstrait d’avant garde et déconcertant, et devint le créateur « à succès » d’ouvrages analphabètes, inspirés de publics sevrés, à l’image de leur névrose et de leur dégénérescence.
A la griffe féroce qu’est ce pinceau,
aux piques meurtrières que sont ses mots,
à cette métamorphose qui le vouera à la célébrité éternelle,
à sa science,
et à ses traits d’humour noir
L’E – MOTIF
C’est un trait d’encre sèche
sur buvard imbibé de rancoeur
une ligne tirée
en hideuse grimace
C’est un trait lancé
dans la multitude
un cygne capturé
C’est un trait deux traits
et tant de coups de crayon froissés
C’est un tableau
comme un billet pour le désert
des traits qui s’entrecroisent
en réseaux de chemin de fer
et suivent la ligne sans détour
de la pensée humaine
C’est une ombre au tableau
qui fuit le désespoir
le talent la splendeur
tant de lettres d’amour
jetées dans les poubelles
de l’humble condition
C’est un pinceau mathématique
un ensemble de points
qui limitent une muraille,
les dimensions de l’angoisse,
le volume d’un art
pressé sous laminoir
C’est un oscilloscope
qui marque un coeur en arrêt…
dans l’examen clinique
du non sens disséqué
C’est du purisme morse
dans le spectre du temps
C’est l’écorché d’un grand fauve
qu’on a dépouillé de son essence
retracé dans les traits
d’un feuillage étriqué …..
dans un suicide de fleurs et d’oiseaux
qui s’évaluera en Milliards
Sublime! pas de commentaires, que de l’admiration bisous MTH
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Oh Marie, si tu savais combien je suis à la fois étonnée et transportée de joie de te voir ici où personne ne vient jamais ….!
Tu l’auras compris, ce recueil, écrit dans l’ombre en 1984 (mon Yoann n’avait alors qu’un an …) n’a pas grand chose à voir avec mes mots d’aujourd’hui !
Mes mots de l’époque étaient en grande révolte avec le monde, j’étais une écorchée vive alors ….!
Si hier, par le biais de ma plume, je tapais sur les murs à grands coups de poing pour abattre les frontières de l’injustice ou de l’indifférence, aujourd’hui je préfère semer des îlots de paix afin d’y accueillir les mêmes blessés, les mêmes incompris, les mêmes laissés- pour- compte …
J’ignore si ce recueil rencontrerait des adeptes ….?
Tout ce que je sais c’est que Lola, la plus jeune de nos filles, est très sensible à ce type d’écriture et voudrait depuis longtemps que je le publie ….Quant à moi , je suis face à une interrogation quelque peu torturante …???? J’y pense, oui, mais les yeux rivés vers le lointain !
Tout viendra en son temps (et « tant ») et en son heure, je crois …
En tout cas merci, immensément MERCI d’être venue jusqu’ici découvrir ce chemin si particulier !
Je fais voler vers toi le plus « châle-heureux des bisous » : sabine
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Merci Sabine, je ne peux que t’encourager de publier , c’est tellement beau, je viens de relire, vraiment c’est fantastique, je pense que beaucoup éprouverait la même émotion à lire tes lignes. Bien sûr , ton écriture a changé, tu es plus apaisée, et j’aime ton idée d’îlots de paix et de tendresse que tu vas poser ici ou là. Continue à nous charmer, tu es une musicienne de mots, je pense que tes mots pansent nos maux, il y a un fil qui nous relie au fil -du-tant, il y a tant de mots pour décrire la peur, l’angoisse , le chagrin et en contre partie tant de mots pour transcrire la joie, l’amour . merci chère Sabine d’être là, je suis tellement heureuse de notre rencontre virtuelle mais tellement réelle Bisous MTH
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